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HOLLANDE EN TURQUIE UN VOYAGE HISTORIQUE ?

Cette visite d’Etat s’est effectuée au moment où le pays connait de fortes tensions. A l’essoufflement de la croissance, à l’exacerbation de la crise monétaire s’ajoutent des convulsions politiques pour corruption et blanchiment qui touchent des proches du pouvoir.
Ce déplacement entendait se fixer plusieurs objectifs. Le renforcement des relations commerciales, dans les transports, la santé, le nucléaire et l’environnement, s’est imposé comme la priorité pour compenser le recul des parts de marché depuis 2002 et la stagnation des échanges.
Renouer le dialogue avec la Turquie passait également par la relance du processus en vue de l’adhésion à l’UE. Dans cet esprit, le blocage du chapitre consacré aux politiques régionales a été levé. Avec la paralysie des négociations, la récession, le chômage, la baisse du pouvoir d’achat, l’UE n’exerce plus la même attractivité sur la population turque.
Pour autant, l’adhésion demeure un objectif prioritaire, non exclusif, puisqu’Ankara souhaite se placer à la confluence de l’atlantisme, de l’islamisme arabe et de l’Organisation de coopération de Shanghai.
F. Hollande ne pouvait se soustraire à la question de l’adhésion. Il s’est contenté d’acter qu’elle serait soumise à référendum. Cette éventualité ne devrait pas se présenter sous son mandat ni au suivant.
Au-delà du caractère dilatoire d’une telle posture, un jeu dangereux s’esquisse qui renvoie à une conception à géométrie variable de l’UE : pourquoi la Croatie échapperait-elle à une telle procédure et non la Turquie ?  
Par prévenance religieuse, culturelle, une crainte des mouvements migratoires ou une perte de l’influence française ? Cela serait inacceptable.
L’Europe, en effet aurait bien besoin d’être consultée, mais sur sa démocratie, l’idée de progrès et ses orientations actuelles. Enfin, l’agenda diplomatique a permis aux deux pays d’exprimer leur convergence sur la Syrie.
Sur ce registre, la stratégie incendiaire de la France a subi une cinglante débâcle.
La politique étrangère turque, connait, quant à elle, un sérieux reflux. Elle a révisé à la baisse son soutien aux djihadistes qui combattent la résistance kurde. Par ailleurs, les visées néo-ottomanes combinant soft power, libéralisme et zéro problème avec les voisins sont un échec. Cela incite Ankara à réaffirmer son ancrage dans le camp occidental et son recentrage pro-sunnite.
Cette diplomatie ne marque pas de rupture fondamentale avec la période antérieure. Les résultats et l’ambition de ce voyage s’avèrent limités faute d’avoir fait entendre les valeurs de la France.
Face à la volonté d’Erdogan de refonder la société sur des bases ultralibérales et conservatrices, provoquant une véritable suffocation de l’espace public, les manifestants de la place Taksim étaient en droit d’attendre un soutien appuyé de la France.
Ces derniers ont rejeté l’arrogance et la personnalisation du pouvoir, la volonté de régenter les corps, le temps et l’espace par une kyrielle de lois moralisantes visant à une islamisation progressive de la société.
Ils ont dénoncé le capitalisme destructeur, l’autoritarisme, les arrestations des défenseurs des droits humains et des démocrates dont 10 000 croupissent en prison. Au Kurdistan, la répression se poursuit et le processus de paix est dans l’impasse. L’implication de l’appareil d’Etat turc dans le crime politique des trois militantes kurdes à Paris s’impose chaque jour davantage.
Si la Turquie veut pousser jusqu’au bout sa démocratisation, il faudra régler le problème kurde.
Comment, dans un tel contexte, F. Hollande peut-il envisager de ratifier les accords de coopération policière et judiciaire entre Paris et Ankara, élaborés par l’ancienne majorité ?
Ils renforceraient la répression des démocrates kurdes et turcs sur notre territoire et faciliteraient les procédures d’expulsion alors qu’ils ont besoin de protection.
A l’image des parlementaires communistes et du groupe de la GUE/NGL, F. Hollande aurait été bien inspiré de les dénoncer. De la même manière, les familles des victimes du triple assassinat de Paris exigent la vérité et la justice.
F. Hollande leur donnera-t-il de nouvelles informations sur les commanditaires alors qu’elles n’ont pas encore été reçues à l’Elysée ? Refuser le négationnisme d’Etat sur le génocide arménien aurait contribué à soutenir les forces qui œuvrent au rapprochement des deux peuples.
 Enfin l’obstination d’Ankara à bloquer toute perspective de solution pour Chypre constitue un danger pour la Méditerranée orientale. Poser ces questions aurait donné une dimension historique au voyage de F. Hollande. Cela n’a pas été le cas.

par Pascal Torre
Réseau PCF/Turquie
international@pcf.fr

 

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le 18 février 2014

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