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Centrafrique intervention : pour quels intérêts ?

« L’Afrique doit assurer elle-même sa sécurité », insistait le président François Hollande au cours du Sommet de l’Élysée sur la paix et la sécurité en Afrique qui s’est tenu les 6 et 7 décembre à Paris, au moment même où, forte d’une résolution du Conseil de sécu- rité qu’elle a elle-même rédigée, la France engageait 1 600 hommes de troupe en Centrafrique. C’est la 5e intervention militaire française en Centrafrique depuis 1958, la 3e depuis 2006.

La tragédie humaine en Centrafrique (RCA) est bien réelle et cela fait près d’un an que l’alerte a été don- née. La France n’agit donc pas « en urgence ». Elle aurait même dû agir plus vite et, sans doute, autre- ment depuis l’élection de François Hollande à la pré- sidence française.

C’est en décembre 2012 que le pays basculait à nou- veau dans la guerre avec le lancement de l’offensive de la Séléka contre le pouvoir central de Paul Bozizé, arrivé lui-même à la tête du pays à la faveur d’un coup d’État en mars 2003. Paris « sécurise » alors son ambassade et s’emploie à protéger... ses 1 200 res- sortissants. La population centrafricaine dans son ensemble est pourtant déjà en danger.

En mars 2013, devant l’avancée des groupes de la Séléka sur Bangui, Paul Bozizé, ami fidèle de la « France » et d’Idriss Déby, dictateur tchadien, appelle à la rescousse ses alliés. François Hollande décide seulement d’envoyer 350 soldats déjà stationnés en Afrique pour porter à 600 le nombre des effectifs militaires français présents en RCA en appui de la Micopax (Mission de consolidation de la paix en République centrafricaine) placée sous la responsabi- lité de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC).

Le 24 mars, Paul Bozizé prend la fuite et, avec la bénédiction tacite du Tchad et de la France, Michel Djotodia, chef de l’Union des forces démocratiques pour le rassemblement (UFDR), membre de la Séléka, s’autoproclame président.

Après un bref mois de mai où tout semble rentrer dans la normale, les exactions et violences contre la population reprennent.

En juin, François Hollande est alerté par son ambas- sade. Il réagit le 20 août devant les ambassadeurs réunis à Paris tout en plaidant pour une intervention internationale en... Syrie.

à quoi ont été employés ces longs mois dramatiques pour le peuple centrafricain ? à préparer une inter- vention militaire dont les objectifs réels semblent bien éloignés de ceux affichés par notre gouverne- ment. Car en décembre 2013, selon l’ONU, ce sont maintenant 2,3 millions des 4,6 millions d’habitants de la RCA qui sont en « situation d’assistance humani- taire ». On dénombre 400 000 déplacés internes et 68 000 réfugiés, principalement en République démo- cratique du Congo. Quelque 1,1 million de person- nes sont également touchées par l’insécurité alimen- taire. L’Opération Sangaris est censée restaurer la sécurité et porter assistance aux populations. L’ar- mée française « sécurise le terrain » mais les points stratégiques, les principales routes d’acheminement des ressources tirées du sous-sol centrafricain. Les habitants de Bangui sont soulagés, mais le reste du pays sombre encore un peu plus. Les opérations de désarmement des milices sont engagées. Il est à sou- haiter qu’elle réussisse pleinement, mais on a beau jeu d’en appeler solennellement à « la responsabilisa- tion des Africains » quand on passe sciemment sous silence la terrible responsabilité de la France dans les conflits et violence qui meurtrissent le continent. «L’étude menée par l’US Congressional Research Service révèle que la France a accru ses ventes d’armes en Afrique durant la période 1998-2005 faisant d’elle le pays leader dans la fourniture d’armes en Afrique. »

Le Livre blanc de la défense commandé par François Hollande et adopté en 2013 est explicite de la vision et de l’action du chef de l’État et de son gouverne- ment en matière de relations internationales. Dans la lignée du Livre blanc de Nicolas Sarkozy (2008), il rap- pelle que « le champ prioritaire d’intervention militaire de la France s’étend sur une zone allant de l’ouest de l’Afrique à l’océan Indien et que le champ du renseigne- ment se voit élargi de l’Afrique vers l’Asie (Chine, Inde, Pakistan) ».

Répondant politiquement à la volonté d’intégration de la France à l’OTAN et relevant, idéologiquement, d’une option eurocentriste, la politique « étrangère » de la France définit l’Afrique comme une « zone d’in- térêts prioritaire ». Mais ni les inégalités sociales, ni les pillages économiques des milieux d’affaires, locaux comme internationaux, ne sont cités au rang des cri- tères de cette priorisation.

Lydia Samarbakhsh

 

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Centrafrique  intervention : pour quels intérêts ?

Par Lydia Samarbakhsh, le 24 décembre 2013

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