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Vent de changement au Liban

Le 17 octobre 2019, une poignée de jeunes descendait dans la rue pour dénoncer un nouveau projet de taxe sur les services de WhatsApp. Des centaines de milliers d'autres, inquiets des nouveaux impôts et des limitations des retraits bancaires, allaient suivre ce mouvement social et politique, le plus important depuis dix ans.

Des manifestations se sont déroulées dans tout le pays, sans exception, unissant  la population autour de la nouvelle génération, transcendant les clivages ethniques, confessionnels et sociaux. Tous expriment un rejet viscéral d'un système en bout de course incarné par des chefs communautaires inchangés depuis trente ans fustigés et conspués par la rue.

Ces caciques ont fait du Liban l'un des pays les plus inégalitaires du monde aujourd'hui plongé dans une crise économique et sociale abyssale. Une gestion déplorable a réduit à néant la machine productive. Depuis plus de dix ans, la croissance est nulle générant des importations massives dans tous les secteurs et un endettement colossal. Le déficit budgétaire et de la balance des paiements, la chute de la monnaie face au dollar, les taux d'intérêts élevés ou l'insuffisance de l'assiette fiscale précipitent le pays au bord du gouffre. En trente ans, ces dirigeants ont été incapables de fournir un service public de l'eau et de l'électricité aux populations 24h/24h. Ces secteurs n'ont reçu aucune subvention depuis 1990. A cela s'ajoutent l'inflation qui ampute le pouvoir d'achat et un chômage massif qui frappe durement la jeunesse, rendant la vie insoutenable. Alors qu'un quart de la population vit sous le seuil de pauvreté, l'argent s'affiche chez les grandes fortunes qui se confondent avec la classe politique. L'économie rentière, le néolibéralisme, la faiblesse de l'Etat et le système communautaire ont accru les inégalités à l'extrême. Les dirigeants, à la tête de groupes confessionnels, privatisent et pillent les ressources publiques pour s'enrichir et entretenir la dépendance clientélaire. Le mouvement populaire brise sous nos yeux cet engrenage qui ne cesse de se gripper. La corruption des élites s'est diffusée à tous les échelons de la société dans un véritable racket institutionnalisé que dénonce la population. Le pays doit faire face aussi à l'arrivée massive de réfugiés syriens chassés par une guerre qui intensifie les difficultés.

Face à cet abîme, les dirigeants politiques libanais sont dans le déni, bégayent, recourent aux vieilles combines et aux réflexes sectaires. Ils évoquent les tentatives de déstabilisations étrangères et les menaces d'une nouvelle guerre civile. En dépit de leurs divergences, de leurs rivalités bien réelles, ces anciens chefs de guerre s'accordent sur la gestion des affaires afin de pérenniser le système. Dans un tour de passe-passe, après la démission du Premier ministre Saad Hariri, le président du Parlement, Nabi Berri, et le président Michel Aoun ont tenté d'imposer la candidature de Mohammed Safadi, un des représentants de l'establishment politico-financier, ancien ministre des Finances impliqué dans une kyrielle de scandales. Celui-ci a dû renoncer face au tollé suscité chez les manifestants. De toute évidence, les maîtres du pouvoir n'ont pas dit leur dernier mot d'autant que le Hezbollah, toujours auréolé de sa victoire contre l'occupation israélienne, se présente en défenseur du système. Tous misent sur l'épuisement du mouvement ou sur la violence répressive.

Or ce mouvement, sans leader, ne faiblit pas et s'installe dans la durée en précisant ses revendications. Il réclame un gouvernement de transition composé de technocrates totalement indépendants des partis au pouvoir. Avec une force inégalée, il appelle au rejet des inégalités, des divisions ethniques et confessionnelles, de la corruption, du clientélisme et du féodalisme de la classe politique... bien loin des antagonismes opposant l'Arabie saoudite à l'Iran. Cependant, l'inféodation des partis au pouvoir à des puissances étrangères comme Riyad, Ankara, Téhéran voire Paris et Washington est massivement refusée.
Progressivement les manifestants installent une nouvelle légitimité alors qu'émergent de nouvelles forces. Depuis plusieurs années le Parti communiste libanais alerte sur la déliquescence des institutions et de l'économie du pays mais appelle aussi de ses voeux la mise en place de nouvelles institutions non-confessionnelles afin d'établir un Etat laïc.

Le Parti communiste français exprime sa solidarité avec ces luttes émancipatrices et est aux côtés des communistes libanais pleinement engagés dans ce mouvement.

Pascal TORRE
Responsable-adjoint du secteur international du PCF
chargé du Maghreb et du Moyen-Orient

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Vent de changement au Liban

le 21 novembre 2019

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