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Commission des relations internationales: introduction Lydia Samarbakhsh

Cher-e-s camarades,

Je me propose, à l'invitation des camarades du secrétariat hebdomadaire de notre secteur, d'introduire les points de discussion de notre séance de travail de ce matin par une brève mise en contexte et perspective.

Le congrès extraordinaire de novembre dernier qui a donné l'occasion aux communistes de réaffirmer les axes de leur conception et engagement internationalistes, développés depuis plusieurs années, a été ponctué par un moment fort de solidarité avec Lula et nos camarades brésiliens.

Nous avons présent à l'esprit qu'au-delà de la situation nationale propre au Brésil et au continent latino-américain, cette arrivée au pouvoir de l'extrême-droite affairiste brésilienne revêt une importance internationale.

Je vous informe d'ailleurs d'emblée que nous avons accepté de co-organiser avec FAL une initiative publique de solidarité le 11 avril, marquant les 100 jours de l'arrivée au pouvoir de Jair Bolsonaro, pour donner un nouvel élan à notre soutien actif aux peuple et camarades brésiliens. Et je soumets à notre discussion de ce matin l'idée que nous proposions au CEN d'engager le parti dans la campagne pour l'attribution du prix Nobel de la Paix 2019 à Lula.

L'élection de Bolsonaro à la présidence du Brésil, grâce en grande partie au maintien en détention de Lula et à l'impossibilité pour lui de porter sa candidature, a certes constitué le point d'orgue du coup d’État institutionnel qui a fait tomber Dilma Rousseff ; et ouvre sans doute un chapitre dramatique de l'histoire du pays, 8e puissance mondiale. Mais elle constitue aussi une phase nouvelle de l'affrontement qui oppose les peuples, les forces démocratiques et d'émancipation humaine et sociale aux forces ultra-conservatrices, obscurantistes, néofascistes et hyper-libérales... « nationales-libérales » ainsi que les qualifie Bruno Odent dans son dernier livre Libérons l'Europe qui vient de sortir ; forces sur lesquelles s'appuient les artisans du capitalisme financier mondialisé.

C'est bien ainsi qu'il faut interpréter l'invitation faite à Jair Bolsonaro du dernier Sommet de Davos d'ouvrir le 49e Forum économique mondial le 22 janvier dernier.

Celui qui prétendait « ne rien comprendre à l'économie » durant sa campagne électorale est venu avec son ministre de l'économie et des finances, Paulo Guedes, un « Chicago Boy » reconnu, donner les gages de haute satisfaction aux milieux d'affaires qui ont « salué » un discours promettant d'« allég[er] la charge fiscale », de « rééquilibrer les comptes publics en privatisant ».

Déjà, droits sociaux, réforme drastique des retraites, droit du travail, terres agricoles et éviction programmée des peuples autochtones, attaques contre la presse et le pluralisme, démantèlement du système éducatif livré aux Evangélistes, suppression du ministère de la culture et libéralisation des ventes d'armes… constituent les premières décisions de Bolsonaro qui ne souffrent aucune équivoque : il s'agit, selon ses propres mots, de « faire du Brésil l'un des 50 meilleurs pays du monde pour faire des affaires ».

Le FMI exprime toutefois au niveau global, sa préoccupation : « L’économie mondiale poursuit son expansion, mais la croissance de certains pays a été inférieure aux prévisions au troisième trimestre. (…) Mais cette évolution intervient dans un contexte de détérioration de l’état d’esprit sur les marchés financiers, d’incertitude quant aux politiques commerciales et d’inquiétude pour les perspectives de la Chine1. » Et Christine Lagarde, sa présidente, avertit lors de son intervention de l'avènement d’une « crise plus forte », et ce plus rapidement que prévu.

Le FMI cherche à décourager le protectionnisme prôné par les dirigeants d'extrême droite élus sur ce programme et pourtant dévoués à l'ultra-libéralisme : « les dirigeants devraient coopérer pour s’attaquer aux sources de mécontentement à l’égard du système commercial fondé sur des règles, réduire les coûts du commerce international et résoudre les désaccords sans relever les obstacles tarifaires et non tarifaires, faute de quoi l’économie mondiale en perte de vitesse serait encore plus déstabilisée. Au-delà du commerce, la promotion d’une coopération plus étroite sur un éventail de questions contribuerait à accroître les gains découlant de l’intégration économique mondiale, (…) afin de réduire la nécessité pour les pays de se protéger eux-mêmes des chocs extérieurs2 ».

La tendance réelle des échanges commerciaux internationaux qui semblent aborder une phase de ralentissement structurelle est à une « régionalisation » et à un « essaimage de méga-zones de libre-échange ». Volatilité des cours du pétrole, baisse de la production industrielle, barrières tarifaires douanières, accroissement des inégalités mondiales (dénoncées par Oxfam mais savamment tues à Davos)... les conflits et guerres économiques se disséminent dans un climat autoritaire qui se généralise, et alimentent des foyers de haute tension politique.

Et c'est d'ailleurs, également de Davos précisément, que les présidents brésilien, péruvien, colombien et le ministre des Affaires étrangères du Canada ont apporté leur soutien public à Juan Guaido, dans sa tentative de coup d’État, le 23 janvier.

Le Venezuela est au cœur de la stratégie néo-impérialiste de l'Administration Trump en Amérique latine et nous reviendrons avec Laurent sur la situation actuelle et la rencontre que nous avons eue lundi dernier avec l'ambassadeur. Il ne s'agit pas pour nous d'afficher une solidarité de principe avec le gouvernement et le président Maduro parce que leur politique proclame la poursuite de la révolution bolivarienne lancée par Chavez ou parce qu'ils sont dans le viseur de Donald Trump. Il s'agit pour les communistes français de prendre position sur les faits à l'aune des idées politiques que nous défendons : l'émancipation humaine et sociale, les droits et libertés humaines et politiques, la défense des souverainetés populaire et nationale, la lutte contre les intérêts privés, la criminalité en col blanc, et la captation des richesses nationales par les multinationales et le secteur privés, de même que l'intégrité des territoires ; le rejet des ingérences militaires et politiques, et de la déstabilisation par la violence qui est la tactique choisie par certains secteurs de l'opposition à Maduro.

La « restauration conservatrice » que Rafael Correa voyait poindre dès 2014 est maintenant bien engagée portant au pouvoir, par la force, par les urnes ou par les deux, des forces néofascistes déterminées, nostalgiques des périodes les plus sombres de l'histoire du continent et soutenues par les puissances économiques et financières.

Mais il faut certainement analyser plus en profondeur que le simple constat des dynamiques à l’œuvre ce qui permet un tel mouvement historique d'avancer à une telle vitesse, et analyser lucidement avec nos camarades les difficultés rencontrées par chacune de nos forces et les problèmes et obstacles, communs, que nous rencontrons à commencer par celui du rassemblement des forces démocratiques et de gauche dans nos pays et continent.

Parmi ces questions de fond, il y a celle de nos rapports à des mouvements sociaux de catégories travaillées tantôt par les idées social-libérales tantôt par des idées d'extrême droite -qu'il ne s'agit évidemment pas de renvoyer dos-à-dos ici mais souligner que, néanmoins ces catégories, ne sont pas nécessairement insensibles à nos propositions et vision de la transformation sociale mais où nous sommes sous-représentés et qui sont aux prises avec une profonde confusion politique largement entretenue par l'avalanche de rumeurs, mensonges et diffamations qui accroît les potentiels des monopoles médiatiques qui nous ignorent. Ces mouvements, c'est-à-dire ces mobilisations populaires sont-elles « autre chose » que le mouvement populaire (le mouvement « ouvrier ») que nous cherchons à mettre en permanence en mouvement ? ou bien en sont-ils/elles une expression, une forme qui, par la prise d'initiative syndicale, et la nôtre, peut évoluer vers une prise de conscience plus claire de ses intérêts de classe et de sa stratégie d'action et de rassemblement pour les faire prévaloir ?

La vague de « restauration conservatrice », de « national-libéralisme », n'épargne pas les pays membres ou non de l'Union européenne, et de ce fait le lancement de la campagne électorale des Européennes s'inscrit dans une phase critique de la crise européenne. D'une part, la pression des marchés que j'évoquais au travers du rapport du FMI pour accélérer l'aboutissement de l'Union économique et monétaire alors que l'UE se disloque à vitesse V, d'autre part, et non sans lien, le blocage en Grande-Bretagne sur les modalités du Brexit.

Dans ce contexte, le président Macron qui, je le rappelle a lancé sa campagne en septembre 2017 à l'occasion de son discours en Sorbonne sur l'Europe, instrumentalise l'exigence de démocratie portée par les luttes et le mouvement récent des Gilets Jaunes, pour marteler sa ligne : renforcer l'UE libérale.

De notre côté, nous avons retenu de lancer une campagne, le 5 février à Marseille, avec nos candidates et candidats et Ian Brossat axée sur la résistance des travailleurs et citoyens, et l'espoir d'envoyer au PE des députés qui continueront de se battre pour des ruptures fondamentales avec l'UE libérale et l'émergence d'une Union de pays libres, souverains et associés au service des intérêts populaires, de la transformation sociale et de l'émancipation humaine.

Avec nos partenaires européens à la GUE et au PGE, nous avons l'ambition de briser ce que d'aucuns nomment « l'irrésistible » montée des populismes et nationalismes, et Vincent nous donnera les éléments d'orientation de la campagne et l'état des discussions au PGE qui vient de tenir son Bureau exécutif à Berlin afin de débattre des initiatives que la Commission pourrait engager dans les semaines à venir avec nos camarades européens dans le cadre des Européennes.

Avant de vous faire quelques propositions de travail et de décisions à présenter au CEN, je reviens brièvement et avant que Sylvie vous en fasse un compte-rendu sur notre déplacement vendredi dernier à Diyarbakir pour le procès de la députée Leyla Güven. Je veux d'abord souligner que l'intensité de ce que nous avons vécu en quelques heures résonne encore en nous ; les femmes et les hommes d'un courage immense qui nous ont accueillies et avec lesquels nous avons pu échanger, que toutes les rencontres que nous avons eues, avec la vice-bâtonnière de Diyarbakir, la famille de Selahattin Demirtas, les candidates et candidats aux municipales, la direction du HDP et du DTK, ou encore de retour à Paris avec Leila Mustafa, maire de Raqqa, de passage à Paris, tout cela n'aurait pas été possible sans l'engagement constant depuis plusieurs dizaines d'années de Sylvie et des militantes et militants qu'elle a su engager dans ce mouvement.

Les arrestations et procès en Turquie continuent et le pays se dirige vers une nouvelle étape électorale, celle des municipales, y compris dans les municipalités, dirigées par le BDP, dont les maires ont été emprisonnés et les villes placées « sous tutelle » mais dont, en réalité, les ressources, budget et patrimoine ont été dilapidés et détournés.

Le scrutin de fin mars revêt un enjeu crucial, celles et ceux qui se portent candidates et candidats au titre du HDP risquent la prison mais aussi leur vie, et il est impératif que le vote soit placé sous observation internationale pour contrer les intimidations et fraudes. C'est tout de même en Turquie qu'on a trouvé 5000 électeurs domiciliés dans un même logement, et un électeur de 192 ans... Erdogan n'a peur d'aucun ridicule ni crapulerie pour arriver à ses fins tandis qu'il tient la dragée haute à des dirigeants européens qui préfèrent se défausser lâchement. Nous discuterons à la suite des éléments fournis par Sylvie de notre programme de travail dans les semaines à venir pour accentuer notre solidarité et son articulation à la campagne des Européennes puisque notre camarade Cemilay Renclikay (Grigny) est l'une des candidates de la liste conduite par Ian Brossat.

Tout ce travail se traduit par exemple ces dernières semaines par les initiatives des villes et municipalités en solidarité avec les maires emprisonnés, des parlementaires avec les prisonniers politiques avec, notamment, dans les jours à venir, la publication d'un appel de parlementaires à l'initiative de la sénatrice Laurence Cohen, ou encore les délégations d'élu-e-s et militant-e-s auprès des grévistes de la faim à Strasbourg.

Enfin, je rappelle les engagements pris auprès de nos camarades du PPP, du PC israélien et du président de la Joint List à la Knesset d'organiser d'une part, une initiative publique avec nos parlementaires et militants pour élargir la mobilisation contre la loi Etat-Nation, et d'autre part, pour renforcer le mouvement pour des sanctions européennes contre le gouvernement israélien : initiatives que Mathilde va vous exposer.

***

Je finirais par plusieurs autres propositions d'initiatives ou de dispositifs que nous voulons soumettre à la discussion.

Premièrement, s'agissant du mouvement pour la paix et le désarmement nucléaire :

* je propose d'abord de sortir immédiatement un modèle de pétition pour que la France signe et ratifie le Traité d'interdiction des armes nucléaires (signatures que nous remettrions au Mouvement de la Paix qui est l'initiateur de cette bataille) et que nous mènerions dans le cadre d'une campagne qui porte dans le même mouvement contre la participation active de la France au commerce mondial des armes.

* De plus, nous pourrions, à ce titre, monter avec les camarades du Collectif Afrique, une initiative publique de « bilan » des interventions extérieures françaises au Mali en particulier qui a plongé le pays dans une insécurité permanente. Félix reviendra sur la rencontre que nous avons eue avec Issa Ndiaye sur les affrontements sanglants qui endeuillent le pays.

* Dans la même perspective, et dans le cadre du Centième anniversaire de la création de l'OIT, nous pourrions proposer les 2e Rencontres internationales Pour une Conférence Mondiale pour la paix et le Progrès, dans la semaine qui se situe entre la Fête de l'Huma et le 21 septembre, co-organisée par toutes les forces et personnalités qui le souhaiteront (sous resp. GT Culture de la paix... et CRI).

Deuxièmement, nous vous soumettons une première ébauche de maquette de journée de formation militante aux enjeux internationaux et européens que nous souhaitons mettre à la disposition des Fédérations du Parti (sous resp. Pascal Torre et Vincent Boulet).

Troisièmement, nous vous proposons de prendre la décision de publier une fois l'an, le 21 mars, un « Etat du monde », fascicule d'une vingtaine de pages, co-écrit et qui comme le rapport présenté au CN en décembre 2014 expose l'analyse du PCF de la situation internationale et nos actions et propositions politiques.

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Commission des relations internationales: introduction Lydia Samarbakhsh

le 03 février 2019

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