Accueil
 
 
 
 

Politique extérieure d’Emmanuel Macron : La guerre est un business, et Jupiter son VRP

Le Quai d’Orsay tient depuis lundi la Semaine des ambassadeurs, réunion annuelle censée coordonner l’action internationale et européenne de la France ; l’occasion de s’interroger sur les axes et objectifs de la politique extérieure de la France.

A l’heure où ces lignes sont écrites, le président Emmanuel Macron n’a pas encore prononcé son discours. Or, depuis son entrée en fonctions, le chef de l’Etat a signifié d’emblée que ce domaine lui était, comme son corollaire la Défense, réservé et c’est donc lui qui en énoncera les grandes orientations devant le corps diplomatique. Cette intervention solennelle intervient au moment où la présidence accueille un « Sommet Europe-Afrique sur les migrants », et après une semaine de rencontres officielles en Europe sur la question des travailleurs détachés, mais aussi quelques mois après le Sommet de l’OTAN et le Sommet européen où le président français entend jouer un rôle central.

Emmanuel Macron soigne particulièrement ses relations avec la chancelière allemande, Angela Merkel, qui avait eu droit à une première visite du président nouvellement élu dès le lendemain de son élection, juste avant de s’envoler pour le Mali à la rencontre des soldats français en opération depuis 3 ans. De juin à juillet, l’hôte de l’Elysée a reçu Vladimir Poutine, Benyamin Netanyahu et Donald Trump cherchant à imposer par les faits que Paris est un peu au centre du monde, un monde traversé de tensions que ses initiatives auraient le don d’apaiser. Pendant ce temps, le ministre en charge de l’Europe et des Affaires étrangères s’est fait discret, peu loquace, presque invisible. Jean-Yves Le Drian ne s’est exprimé que fin juin sur l’action diplomatique de la France, pour assumer une continuité (« Je ne suis pas un homme de rupture ») avec la politique de son prédécesseur, Laurent Fabius.

En toute logique, c’est lui qui a ouvert, en dehors de tout cadrage politique donc, la Semaine des ambassadeurs et son speed-dating des entrepreneurs en soulignant « la priorité que représente pour notre diplomatie le succès des entreprises françaises dans le monde » et en remerciant le Medef pour son «appui» en ce domaine : « Le rôle de la diplomatie sera de saisir les opportunités qui découleront des réformes lancées par le chef de l’Etat au service de la compétitivité ».

L’action du ministre est donc d’appuyer les exportations et d’attirer toujours plus d’investisseurs ; une «diplomatie économique offensive » grâce à une « méthode, (...) déjà expérimentée dans un domaine particulier, c’est vrai spécifique, néanmoins, il peut être utile » rappelait celui qui, modeste comme toujours, participa brillamment à monter notre chiffre du commerce extérieur à un nombre à deux chiffres au cours du précédent quinquennat grâce à ses ventes d’armes.

En vérité, rien de neuf en « monarchie élyséenne » dans ce partage des tâches entre le président et son ministre mais soin était pris, jusqu’au mandat de François Hollande, de placer à la tête de notre diplomatie un dirigeant politique de premier plan. Le choix d’Emmanuel Macron est celui d’un homme « au service d’une diplomatie efficace et pragmatique » (sic) parfaitement assumé par l’heureux élu.

Le chef de l’Etat dira dans quelques heures que notre politique extérieure se fonde sur un triptyque : «défense, diplomatie, développement » ; mais ne nous laissons pas séduire par les mots, examinons les actes, les faits, la politique.

La France refuse en juillet de signer le Traité international d’interdiction des armes nucléaires adopté par 122 pays alors qu’elle siège au Conseil de sécurité de l’ONU comme membre permanent et que la première mission de l’ONU est la prévention des conflits et le développement humain, social, démocratique et écologique. La France décide, avant même le Sommet de l’OTAN, de porter son budget de la Défense à 2 % du PIB ainsi que l’exigent les Etats-Unis, et prend la tête de la manœuvre pour une « défense européenne commune » avec la création d’un Fonds européen de la défense doté de 500 millions d’euros. La France cherche à cantonner les migrants dans leurs pays d’origine selon la sacro-sainte logique de l’« Europe forteresse ». La France se tait et s’efface devant Benyamin Netanyahu et renonce à une véritable initiative de paix au Proche-Orient ; devant le président turc Erdogan, elle baisse les yeux. Obnubilée par une stratégie d’intérêts à court terme, notre diplomatie s’éclipse lorsque Donald Trump et Kim Jong-un rivalisent de menaces nucléaires…

Le 23 septembre, nous serons des dizaines de milliers dans toute la France pour dire qu’une vraie politique extérieure de développement partagé et de coopération, et donc de paix et de sécurité humaine collective, est possible. Ce n’est pas un sujet « secondaire », n’en déplaisent à ceux qui l’ont négligé et continuent de négliger ce rendez-vous pris de longue date par plus de 150 organisations de notre pays. L’été 2017 en a démontré l’urgence, s’il en était encore besoin. Il n’est pas de changement possible en France si nous renonçons à garantir partout « la grande paix humaine ».

Lydia Samarbakhsh
Responsable secteur international
article paru dans Communistes du 30 août 2017

Il y a actuellement 0 réactions

Vous devez vous identifier ou créer un compte pour écrire des commentaires.

 

Politique extérieure d’Emmanuel Macron : La guerre est un business, et Jupiter son VRP

le 30 août 2017

A voir aussi