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Redonner espoir

Tous les quatre ans, le Conseil national états-unien du renseignement rattaché à la CIA publie un rapport sur le monde à venir, en l’occurrence d’ici 2030 pour sa dernière édition sortie récemment en France.

Présenté comme un état des lieux fouillé de la situation internationale et un travail de prospective «objectif», l’ouvrage est en réalité plus éloquent de la manière dominante de penser le monde et ses évolutions, et de ce qu’il est attendu des citoyens d’en penser et d’en comprendre. Constitutif d’une politique d’influence très sophistiquée, les laudateurs du «chaos mondial» et des différentes variantes du «choc des civilisations» se régaleront des frissons qu’il provoque et y trouveront leurs éléments de langage et argumentaires sibyllins.

Il ne faut certes pas négliger ce que ce rapport peut contenir d’informations utiles pour mieux comprendre la stratégie américaine (et ses contradictions internes) mais, pour le reste, il ne livrera aucune analyse viable des causes fondamentales des crises en cours – car il ne le souhaite pas –, ni de pistes pour les résoudre, et ce encore moins par le biais du développement humain, social et écologique général.

Le présupposé sur lequel il s’appuie est que le monde affronte des courses présentées comme inexorables et menaçantes – démographiques, économiques, idéologiques –, et que l’humanité se divise encore en «gentils» et en «méchants» (la Russie et la Chine étant pointés comme les seuls responsables d’une nouvelle course aux armements). Cette vision conviendra peu ou prou au nouvel hôte de la Maison-Blanche pour lequel le monde se réduirait à deux catégories de pays : les amis à récompenser et les ennemis à punir.

Le monde est inquiétant, certes, mais pourquoi? Parce que ce qui se joue, peut-être, à ce stade de mondialisation économique sous domination ultralibérale et financière capitaliste, c’est l’intérêt – ou non – des forces du capital à poursuivre – ou pas – dans cette voie.

Le débat en leur sein, et les affrontements, sont réels. Pour les chantres du libéralisme, il s’agit de sauver le système en regagnant l’adhésion des peuples à leur vision de civilisation sans en varier de logique. Pour d’autres, il s’agit de le ramener à l’échelle des égoïsmes nationaux et de pousser la logique des alliances opportunistes et des rivalités sur fond de nouvelles tentations impérialistes. Les uns comme les autres veulent faire croire qu’ils combattront la mise en concurrence des travailleurs et des peuples par… plus de mise en concurrence. Et, les uns comme les autres, participent sur le plan sociétal et idéologique à une régression hyperconservatrice qui mine toutes les sociétés et aggrave l’affaiblissement des solidarités.

Ce qui se joue pour les citoyens, les peuples et la planète est d’une tout autre envergure. L’histoire a donné raison à ceux qui plaidaient dès son accélération à une transformation de la mondialisation; la mondialisation, le lien, n’est pas en soi positif ou négatif, il est, elle est, ce que nous en faisons.

«Qui gouverne le monde?» interrogeait, en tentant d’apporter des réponses et de mettre au jour des alternatives, la dernière livraison de l’État du Monde publié sous la direction de Bertrand Badie et Dominique Vidal aux éditions La Découverte; et cette question est sans doute celle qui résume l’état de l’affrontement capital/travail: Qui gouverne? Qui doit gouverner? Le pouvoir, et la démocratie sous toutes ses dimensions, oui, sont au coeur de cet affrontement et bien à l’ordre du jour.

En France, nous voyons l’extrême droite et l’ancien ministre des Finances s’approprier, comme d’autres avant eux, «le peuple» ; ils se posent comme son représentant le plus légitime à l’image de Donald Trump qui, le jour de son investiture, proclame qu’ainsi, avec lui, c’est «le peuple qui reprend le pouvoir»… l’imposture est totale, et si certaines parties des catégories les plus modestes s’y laissent prendre, elle n’abuse pas celles et ceux dont la conscience de l’antagonisme des intérêts de classe est aiguë.

Pour autant, elles et ils ne se tournent pas encore, dans notre pays, majoritairement, vers les forces de l’émancipation humaine et de la transformation sociale dont elles et ils font pourtant partie. L’enjeu des échéances électorales du printemps en France est là: redonner espoir à toutes ces forces, contribuer à les rassembler sur leurs principales convergences pour battre droite et extrême droite à la présidentielle et porter une majorité à l’Assemblée nationale qui mettra en oeuvre une politique de gauche, qui mettra la France en position de prendre des initiatives de refondation progressiste du cadre européen, et par là-même d’amorcer des processus de transformation de la mondialisation.

Toutes les expériences qui sont allées dans ce sens se sont construites sur la base de fronts larges. Sans doute avons-nous, en France, à gauche, à nous en nourrir sans plus tarder.

Lydia Samarbakhsh,
responsable du secteur international du PCF

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Redonner espoir

le 01 March 2017

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