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Pour quelle Europe nous battons-nous ?

Nous vivons un moment historique en Europe à bien des égards. La crise économique, ses conséquences sociales et politiques, la crise des réfugiés, le référendum au Royaume-Uni font que le débat sur l'avenir de l'Union européenne est grand ouvert.

 

Les forces politiques, quelle que soit leur couleur, sont aujourd'hui contraintes de se positionner, de définir, clarifier, rendre compréhensible leur vision de l'Union européenne. En France, les échéances de 2017 ouvriront à coup sûr – et tant mieux – un débat sur la politique européenne de notre pays. Les choix que feront alors les Français seront déterminants pour l'Hexagone mais aussi pour chaque peuple et pour l'édifice européen dans son ensemble. Aussi, il est crucial que le PCF rentre « armé » dans cette bataille.

Se battre pour une autre Europe

Grosso modo, deux types d'approches sont développées par nos adversaires. Elles ont en commun l'absence de vision solidaire et la non mise en cause de l'incroyable pouvoir cédé au monde de la finance dans l'Europe actuelle. D'un côté, les droites européennes, mais aussi d'une part de la social-démocratie, dont François Hollande. Leur vision fédéraliste et au service du capital évolue vers un « recentrage » de la construction européenne autour des pays les plus puissants, abandonnant la promesse de réduction des inégalités entre pays européens. Comme à chaque crise, c'est une nouvelle fuite en avant qu'ils proposent. La nouveauté, c'est la victoire dans ce camp de l'idée qu'il faudra peut-être laisser des pays sur le bord de la route pour continuer à être attractifs pour les marchés. D'un autre côté, les extrêmes droites populistes et nationalistes, qui prônent le retour au seul cadre national, dont l'intérêt serait naturellement contradictoire avec celui des autres pays, et donc avec toute idée de construction régionale. Cette vision n'a pas bougé d'un iota depuis les guerres qui ont détruit l'Europe à deux reprises, même avec un discours ripoliné, ce qui ne les empêche pas de surfer allègrement sur la crise pour se développer. Et ça marche. Ne sous-estimons pas le danger.

Devons-nous laisser le débat se limiter à ces deux visions ? Ce serait un désastre ! Non, nous devons opposer à l'une comme à l'autre, une vision alternative, progressiste, solidaire et démocratique. Le PCF a déjà beaucoup travaillé (cf la convention Europe) et construit avec un panel très large de forces en France et en Europe (cf le Forum européen des alternatives). Il est impossible de tout résumer ici, aussi le choix porte sur trois grands axes qui sont déjà, à quelques nuances près, un « bien commun » des forces de gauche en Europe.

Pour une Europe alternative

Premièrement, l'Europe doit se mettre sur les rails du développement partagé. Le néolibéralisme a entraîné une crise du développement en Europe : les richesses sont confisquées au profit de la finance et la BCE verse 80 milliards d'euros par mois dans le système bancaire sans aucun effet sur l'économie réelle. La concurrence, le dumping social et fiscal, les politiques d'austérité et de casse des droits sociaux, la précarisation du travail et le chômage de masse aggravent les inégalités et produisent de la récession. Il y a beaucoup d'argent en Europe, le nôtre d'ailleurs, mais il ne sert à rien pour les peuples. D'urgence il faut un plan de restructuration des dettes des Etats et un plan d'investissement pour l'emploi utile, décent et innovant, qui cible en priorité les zones les plus dévastées par la désindustrialisation et la destruction des services publics. On peut penser autant au Nord de la France qu'à l'hôpital grec ou au rail britannique. On peut imaginer un investissement massif dans des méthodes de fabrication industrielles soutenables, dans le numérique collaboratif, dans l'agriculture de qualité, dans les services publics. Bref, une politique de développement qui profite à tous et s'attaque en priorité aux inégalités entre les pays et en leur sein. Tous les peuples ont à gagner à une vision solidaire plutôt qu'à la division et la concurrence.

Deuxièmement, l'Europe doit être démocratique, c'est-à-dire être capable de construire à l'échelle européenne en recueillant le consentement populaire et en respectant les choix démocratiques nationaux. La verticalité doit être mise en cause pour permettre la coopération de sociétés complexes, aux histoires, aux cultures et aux rapports à la construction européenne différents. Nous parlons d'une « Europe de Nations et de peuples, libres, souverains et associés », c'est-à-dire d'une Europe où chaque peuple peut déterminer les projets, les secteurs pour lesquels une coopération européenne serait utile et efficace et où il existe diverses méthodes démocratiques pour consulter et obtenir le consentement des citoyens (comme le referendum par exemple, sur les grands enjeux). C'est ce que nous appelons « géométrie choisie ».

Troisièmement, l'Europe doit s'engager pour la paix et la justice mondiale. Nombreux sont les défis qui n'ont aucune frontière et auxquels la mondialisation capitaliste est incapable de répondre puisque contradictoires avec les intérêts des multinationales, de la finance internationale ou des grandes puissances. Une construction régionale dont les objectifs seraient la paix, le co-développement, la justice climatique, une Europe capable de s'accorder pour un accueil partagé et digne des réfugiés, pèserait lourd pour un changement des rapports de force mondiaux, pour imposer une vision basée sur les biens communs de l'humanité et un nouvel ordre mondial pour les protéger.

Changer la politique de la France en Europe

Notre projet est assez clair. Ce qui est devant nous, c'est un travail titanesque à fournir dans l'année qui vient pour construire un plan de bataille, un mandat populaire pour la France en Europe, pour un gouvernement de gauche, défini avec les Français. Parce que notre bataille numéro un pour changer en Europe, c'est de changer la politique de la France en Europe.

Nous avons besoin d'être de plus en plus précis sur les ruptures, les exigences et les batailles concrètes que notre pays devrait mettre sur la table européenne. Par exemple: à quelles conditions peut-on à nouveau produire du développement en Europe ? Au moins trois : stopper l'austérité, récupérer l'argent pour investir. Concrètement, cela veut dire par exemple opérer une rupture avec le traité budgétaire (renégocier ? Suspendre ? Sortir ?), mettre en cause l'indépendance de la banque centrale européenne pour financer l'investissement (que peut-on faire maintenant ?), proposer un plan de lutte contre l'évasion fiscale...etc. Autre exemple, pour rendre l'Europe démocratique il y a des transformations à opérer dans l'équilibre des pouvoirs européens (ex : supprimer le monopole de l'initiative législative à la Commission européenne) et de règles à instaurer (ex : un mandat parlementaire pour le chef d’Etat avant chaque Conseil européen, l'usage du referendum sur les grands enjeux…). Ou encore, pour un monde juste, il faut mettre en cause le TAFTA (rendre transparentes, suspendre, rompre les négociations ?).

Nombreux sont les doutes dans la société, à gauche et même au parti, sur la capacité d'un pays à engager un processus de transformation dans le cadre hostile de l'UE. La lutte des grecs a mis en évidence l’âpreté de ce combat. Et cela ne tardera pas pour le Portugal. Tout pays qui élirait un gouvernement anti-austérité sera confronté au mur de la finance et à de nombreux adversaires politiques à son service. Mais faut-il conclure que la bataille pour une refondation de l'UE est perdue d'avance, et que seule la sortie de l'euro, voire de l'UE, peut permettre de mener une politique progressiste ? Il ne faut pas sous-estimer les victoires que pourrait obtenir une France au service d'objectifs solidaires et démocratiques en Europe. Mais il ne suffira pas de taper du poing sur la table. L'attitude, les priorités, les négociations, le niveau des ruptures, tout doit être discuté démocratiquement et consenti par les citoyens. La démocratie est notre meilleur atout pour un bras de fer. Et il faudra trouver des alliés partout en Europe, jusqu'au plus haut niveau. Et aujourd'hui, malgré les difficultés et les faiblesses, la gauche européenne est en meilleure position pour mener les batailles. Une illustration significative est la déclaration commune signée par Alexis Tsipras et Antonio Costa (Premier ministre du Portugal) affirmant un front commun contre l'austérité et pour l'accueil des réfugiés, chose inédite et qui devrait remuer le Conseil européen. C'est pour développer notre force commune, qu'avec le PGE, nous proposons de créer un forum permanent des forces progressistes d'Europe, un peu comme le Forum de Sao Paolo en Amérique latine, pour produire des fronts communs et des solidarités entre les partis, gouvernements, forces syndicales et sociales.

Anne Sabourin
Membre de la commission des relations internationales du PCF - Europe

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Pour quelle Europe nous battons-nous ?

le 06 juillet 2016

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