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«Conflit du Sahara Occidental, Quelles perspectives ?»

Le 10 décembre 2015, la Cour de justice de l’Union Européenne (CJUE) a pris la décision d’annuler l’accord agricole et de pêche avec le Maroc. Il concerne les produits agricoles, les produits agricoles transformés, les poissons et les produits de la pêche. La cour a estimé que Bruxelles aurait dû exclure le Sahara Occidental des accords d’échange qui régissent les deux parties. La cour s’est appuyée sur la position des Nations Unies qui ne reconnait pas au Maroc la souveraineté sur ce territoire.

Cette décision est conforme à un contexte international  juridique depuis la résolution du 14 décembre 1960 de l’ONU, qui était consacrée à la déclaration internationale sur l’octroi de l’indépendance aux peuples et pays sous domination coloniale.
C’est cette déclaration qui sera le cadre d’exercice de la 4ème commission onusienne chargée de la décolonisation, jusqu’à nos jours.

A la demande du Maroc, le Sahara Occidental sera inscrit  sur la liste des territoires à décoloniser. Il en reste aujourd’hui seize, que la commission spéciale s’en charge d’accompagner pour l’autodétermination.

Mais, il n y a pas que l’Etat marocain qui a manifesté ses convoitises pour le Sahara Occidental. La Mauritanie, par la voix de M. Mokhtar Ould Daddah, qui déclara à  Atar le 1er juillet 1957: «Je ne peux m'empêcher d'évoquer les innombrables liens qui nous unissent: nous portons les mêmes noms, nous parlons la même langue, nous conservons les mêmes nobles traditions, nous vénérons les mêmes chefs religieux, faisons paître nos troupeaux sur les mêmes pâturages, les abreuvons aux mêmes puits. En un mot nous nous réclamons de cette même civilisation de désert dont nous sommes si justement fiers. Je convie donc nos frères du Sahara espagnol à songer à cette grande Mauritanie économique et spirituelle».

Courant l’année 1964, la 4ème commission organise une série de rencontres notamment avec l’Algérie qui déclare ne pas avoir de revendication sur le territoire, mais pays intéressé par le voisinage d’un territoire à décoloniser.

Le 16 octobre 1964, l’ONU presse l’Espagne à engager un processus de décolonisation du Sahara Occidental et d’Ifni. L’assemblée générale des Nations Unies approuve alors ses recommandations dans une résolution du 16 décembre 1965. Et, au sein du comité des 24 à Addis-Abeba en juin 1966, elle ne détermine aucune partie adverse. L’Espagne ne se voyait donc pas dans l’obligation d’ouvrir des pourparlers avec le Maroc et la Mauritanie.

«En revanche, rien n’indiquait que la population d’Ifni se considérait comme autre chose que marocaine, ou qu’elle ne voudrait pas être intégrée au Maroc. Lors de la session extraordinaire de ce même comité des 24 à Addis-Abeba en juin 1966, les délégations marocaine et mauritanienne maintiennent les exigences de leurs pays sur le Sahara Occidental, mais acceptèrent que ses habitants aient le droit de choisir leur destinée. Donc, Le 20 décembre 1966, l’assemblée générale de l’ONU adopta par 105 voix, contre 2 (l’Espagne et le Portugal), et 9 abstentions, une résolution qui définissait clairement les mesures à prendre pour décoloniser le Sahara Occidental (…).» Tony ODGES in «Sahara Occidental: Origines et Enjeux d’une guerre du désert».

L’Etat espagnol est chargé d’«arrêter le plus tôt possible en conformité avec la population autochtone du Sahara espagnol et en consultation avec les gouvernements marocain et mauritanien, et toute autre partie intéressée, d’un referendum qui sera tenu sous l’auspice de l’organisation des Nations Unies afin de permettre à la population autochtone du territoire d’exercer librement son droit à l’autodétermination» idem

«(…) Entre 1967 et 1973, l’assemblée générale de l’ONU adopta six autres résolutions qui toutes réitéraient la proposition d’organiser un referendum… L’Espagne franquiste ne manifestait aucun signe de coopération avec les instances internationales et intensifia la répression des sahraouis en lutte pour l’indépendance. Des projets économiques sont lancés pour avoir un pied sur le sol sahraoui, ce que condamne la résolution 2711 en décembre 1970, en invitant «…tous les Etats à s’abstenir de faire des investissements sur le territoire» idem

Il est intéressant, à ce stade de faire un parallélisme en Droit de cette décision et celle prise le 10 décembre 2015, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE).

«Et la résolution 2983 adoptée en décembre 1972 par l’assemblée générale de l’ONU va utiliser pour la première fois le terme de l’indépendance tout en apportant «sa solidarité et son appui à la population du Sahara dans la lutte qu’elle mène pour l’exercice de son droit à l’autodétermination et à l’indépendance».

Je ne peux clore ce dossier juridique sans rappeler l’avis consultatif de la Cour International de Justice rendu le 16 octobre 1975.

«Beaucoup de marocains ignorent le contenu de la version originale de l’avis consultatif de la cour internationale de justice sur le Sahara occidental ; rappelée tout récemmentdans le Site bladi.info le 24 août 2014…

«Les éléments et renseignements portés à la connaissance de la Cour montrent l'existence, au moment de la colonisation espagnole, de liens juridiques d'allégeance entre le sultan du Maroc et certaines des tribus vivant sur le territoire du Sahara occidental. Ils montrent également l'existence de droits, y compris certains droits relatifs à la terre, qui constituaient des liens juridiques entre l'ensemble mauritanien, au sens où la Cour l'entend, et le territoire du Sahara occidental. En revanche, la Cour conclut que les éléments et renseignements portés à sa connaissance n'établissent l'existence d'aucun lien de souveraineté territoriale entre le territoire du Sahara occidental d'une part, le Royaume du Maroc ou l'ensemble mauritanien d'autre part. La Cour n'a donc pas constaté l'existence de liens juridiques de nature à modifier l'application de la résolution 1514 (XV) de l'assemblée générale des Nations Unies quant à la décolonisation du Sahara occidental et en particulier l'application du principe d'autodétermination grâce à l'expression libre et authentique de la volonté des populations du territoire.»

Avec ces quelques rappels tirés du livre in «Sahara Occidental : Origines et Enjeux d’une guerre du désert» Tony ODGES, je voulais tracer l’impasse juridique dans lequel se trouve le régime au Maroc face au droit international. Alors que faire ?

Il est donc murement réfléchi qu’ à défaut d’infléchir le droit international, le régime au Maroc agit pour travestir la réalité du terrain pour rendre le référentiel juridique inapplicable. Il a adopté plusieurs stratégies pour contenir cette situation:

1/- D’abord, en se montrant qu’il coopératif, et très attaché à la résolution du conflit. Il va changer de positions à chaque fois qu’une solution s’approche :

  • En 1975, le régime a conclu un accord avec l’Espagne franquiste pour un partage du Sahara avec la Mauritanie. Lorsque Nouakchott, devant la victoire militaire du Polisario, s'est retiré du territoire en 1978, le Maroc s'est empressé de déclarer que cette partie lui appartenait également. Exemple typique d'une incohérence savamment entretenue qui a conduit le conflit dans l'impasse actuelle.
  • En 1981, Le roi Hassan II acceptait, au sommet des pays africains à Nairobi, le principe d'un référendum d'autodétermination.
  • Le 6 septembre 1991, changement de sémantique, on remettait la consultation en cause préférant évoquer un cessez-le-feu. Désormais, il ne s'agit plus que d'autonomie, aujourd’hui.

Voilà illustrée, en trois étapes, l'incohérence patente du régime. A chaque fois que la communauté internationale propose des solutions, le royaume modifie sa position sur le dossier.

2/- Par la contractualisation d’accords, contrats commerciaux, et d’autres avantages: Le régime se presse de signer des contrats avec des compagnies leur octroyant des avantages très alléchants pourvu qu’elles violent le droit international. Ces accords concernent aussi bien les ressources minières qu’halieutiques ou de recherche de pétrole… Selon les informations fuitées sur wikileaks, une cohorte de journaux et revues se feraient payer pour promouvoir la position du régime. Du lobbying serait même d’assaut sur les instances internationales pour les dissuader de s’activer sur le dossier. La coopération et les alliances internationales passent systématiquement par la question du Sahara Occidental.

3/- Agir par la répression: Ainsi, si le régime au Maroc va réussir à domestiquer la quasi-totalité des partis, et, atténuer son impopularité en détournant les regards vers ‘l’ennemi extérieur’, d’autres militants marocains vont faire payer cher leur position d’autodétermination du peuple sahraoui.

Dans un mutisme total des partis politiques, le pays connaît les procès de 139 militants marocains en janvier 1977. Au tribunal, ces militants ont défendu leur programme pour «une république nationale, démocratique et populaire», et ont proclamé «Vive la République Sahraouie, vive la lutte du peuple sahraoui pour l'autodétermination». Le verdict était lourd qui se conclue par des siècles d'emprisonnement et par la condamnation à la prison à perpétuité.

S’ensuit une offensive sans précédent sur les libertés publiques: assassinats, disparitions, des siècles d’emprisonnement annoncés contre le mouvement marxiste-léniniste. Ce sujet est encore d’actualité ou des crimes restent encore non élucidés.

Les associations des droits humains marocaines et sahraouies font état des centaines de disparus et de détenus politiques.

La MINURSO (Mission Internationale des Nations Unies pour le Referendum au Sahara Occidental) n’est toujours pas autorisée à enquêter sur les violations des droits de l’Homme.
Sans oublier les conditions de vie inhumaines dont lesquelles sont condamnés plus de 165.000 réfugiés sahraouis.

4/- Agir démographiquement :modifier la structure de la population sahraouie rend la tenue d’un référendum d’une énorme complexité. Rappelons-nous la guerre des listes à chaque fois la communauté internationale pressait, par son émissaire James Becker, les belligérants à organiser un referendum d’autodétermination. Ce travail de sape a commencé depuis la marche verte en 1975 cherchantà s’assurer d’un vote pro-annexion du Sahara Occidental.

5/- Par la désinformation et le monopole des médias, veille à propager sa seule thèsesur le conflit. Le régime au Maroc fait en fait même une question existentielle. La Voie Démocratique est régulièrement attaquée sur son écart avec la position officielle….

Mais, «Nul n’est plus désespérément esclave, que ceux faussement convaincus d’être libres» J.W. von GOETHE 1749-1832. Lorsque toutes les composantes du peuple marocain pourront s’exprimer sur le conflit au Sahara Occidental, et briser ce silence imposé par le palais sur ce dossier, l’analyse et l’information fiables vont, sans doute éclairer un peu plus le peuple marocain sur la position de l’autodétermination du peuple sahraoui.

La Voie Démocratique, a décliné à deux reprises l’invitation du palais royal aux discussions sur le Sahara Occidental. De part sa gestion catastrophique de ce dossier, le régime est très mal placé pour respecter tout avis contraire à sa démarche. De ce type de rencontres, il n’en ressortirait que des éloges à sa gestion chaotique de ce dossier.

A défaut, au sein de la société marocaine, d’un rapport de forces capable d’imposer la solution de l’autodétermination du peuple sahraoui, la communauté internationale a le devoir de défendre les valeurs auxquelles elle a souscrit pour aboutir à une solution pacifique.

1/- D’abord à prendre, dans l’immédiat, des initiatives d’apaisement :

  • Faire preuve de bonne volonté en engageant des négociations contraignantes;
  • Renforcer les mesures de confiance, telles que les appels téléphoniques, les visites entre les familles déchirées entre les deux côtés du mur militaire…;
  • Respecter les droits humains dans leur dimension universelle au Sahara occidental, et réparer les violations graves commis depuis 1975;
  • Permettre aux familles de se déplacer librement des deux côtés du mur;
  • Participer au déminage autour du mur;
  • Aborder la question des richesses du Sahara Occidental conformément au droit international.

Quant au régime au Maroc, pourprouver sa bonne foi, il doit :

  • Détruire ce mur, long de 2700 kilomètres et qui occupe plus de 130 000 soldats.
  • Permettre une mobilisation populaire pour la libération des enclaves de Ceuta et Melilla…

2/- Et ensuite, de résoudre cette question sur la based'un référendum d'autodétermination conformitéavec le droit international en la matière. Une toute autre solution négociée et acceptable par les peuples marocains et sahraouisserait aussi la bienvenue.

Il s’agit d’une solution qui assurera une paix durable dans la région, en espérant que l’avènement de régimes populaires maghrébins voit le jour pour orienter la région vers les questions de développement, de démocratie et de construction maghrébine des peuples.

Le rôle des acteurs politiques et associatifs est fortement attendu pour créer cette dynamique.Le rapprochement des peuples maghrébins serait d’une grande importance pour jeter les bases d'entente et de construction maghrébine.

Je conclue parle proverbe africain qui disait: «Dans la forêt, quand les branches des arbres se querellent, les racines s’embrassent»

Par Saïd Sougty
Lyon, le 18 février 2016
article paru sur le site de l'Humanité le 8 mars 2016

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