La visite de Barack Obama à La Havane est un pas de plus dans la direction de la distension des relations entre Cuba et les Etats-Unis sans qu’on puisse encore parler de véritable normalisation. Sa portée reste à confirmer après l’élection du prochain président états-unien en novembre prochain. La proposition d’une relation fondée sur le dialogue suscite de grands espoirs dans la population cubaine, dans les nouvelles générations de Cubano-Américains favorables à une normalisation des relations et pour les entreprises états-uniennes soucieuses de voir la Chine occuper une place grandissante en tant qu’investisseur et partenaire commercial, sans parler des pays latino-américains et européens. La démarche du président Barack Obama montre un changement de vision politique profonde qui amène une stratégie complètement à l’opposé de celle suivie jusqu’ici par Washington. Il préfère le dialogue à l’inefficacité du blocus, en privilégiant des mesures qui favorisent ce qu’il appelle le contact «peuple à peuple».
Depuis des années, les médias font de la question des droits de l’homme et de la démocratie la source de l’affrontement entre les États-Unis et Cuba. C’est une façon d’évacuer l’attitude impériale des Etats-Unis: la révolution cubaine s’est faite contre une dictature imposée par Washington et au moment où Mohammad Mossadegh et Jacobo Árbenz étaient renversés par la CIA, les États Unis intervenaient militairement en République dominicaine et plus tard l’Uruguay, le Chili, le Paraguay et l’Argentine tombaient sous la dictature. A Cuba même, les interventions organisées par la CIA avec le concours de l’opposition interne n’ont jamais cessé. La nationalisation des propriétés des compagnies américaines a été une humiliation et un exemple que Washington n’a jamais accepté et a motivé la mise en place du blocus. La mise en place du système politique cubain s’est aussi faite en fonction des exigences de la défense de la révolution.
Barack Obama a affirmé à La Havane que les États-Unis ne chercheront plus à imposer un changement à Cuba et déclaré que sa destinée est entre les mains des Cubains. Mais il ne renonce pas à avoir une influence sur cet avenir : il n’a permis que les investissements dans les télécommunications et une trentaine de vols directs seront inaugurés. On permettra à des Cubains non-résidents d’être embauchés aux États-Unis, mais ils ne pourront pas payer leurs impôts à Cuba, mesure qui cherche clairement à pousser artistes et sportifs cubains à quitter l’Île. Les Etats-Unis exportent certains produits vers Cuba mais Cuba ne peut toujours pas exporter ses produits.
Certains aspects bien ciblés du blocus ont été assouplis: des scientifiques, artistes, universitaires peuvent voyager à Cuba sans autorisation, l’interdiction de l’utilisation du dollar est levée pour les voyageurs et dans certaines transactions bancaires, par exemple pour les investissements dans le secteur privé cubain.
Barack Obama voit dans ce secteur la possibilité de l’émergence d’une nouvelle «société civile» qu’il veut «indépendante de l’État» et plus sensible aux idées, aux discours et aux informations qui pourront être transmises à partir des États-Unis. Le nombre de travailleurs à compte propre et de petits entrepreneurs s’est multiplié par trois entre 2009 et 2013 et représente 20% de la population économiquement active.
Une nouvelle étape s’ouvre avec une relation fondée sur le dialogue et la volonté mutuelle d’avancer sur le terrain de la coopération. L’affrontement se déplace sur le plan politique et du débat des idées, la confrontation des conceptions de la politique et de la société. Pour que cette nouvelle relation puisse aller jusqu’au bout des attentes des peuples, il faudra que le blocus soit définitivement levé, que l’intégrité territoriale de Cuba soit reconnue avec le retour de Guantanamo sous la souveraineté cubaine. Il faudra aussi que Washing ton cesse de prendre ses intérêts pour des valeurs universelles.
Obey Ament
Relations internationales du PCF
article paru dans Communistes du 30 mars 2016