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Irlande / Elections législatives du 26 février: affirmation à gauche du droit à un changement progressiste

Dans un scrutin marqué par une baisse de la participation (65% contre 70% en 2O11), la coalition au pouvoir formée par les conservateurs du Fine Gael et les Travaillistes a été sévèrement sanctionnée par les électeurs. Avec respectivement 25,5% (-10,6%) et 6,6% (-12,8%), le Fine Gael du premier ministre Enda Kenny et les travaillistes, qui réalisent le pire résultat de leur histoire, perdent largement la majorité (55 sièges à eux deux contre 113, dans un Parlement de 158 sièges).

L’autre parti de la droite irlandaise, le Fianna Fail, au pouvoir de 2007 à 2011 et qui avait subi lors des élections de 2011 une véritable déroute, progresse avec 24,3% (+6,9%), sans pour autant retrouver – tant s’en faut – son étiage d’avant la crise. Au total, ce sont bien les politiques d’austérité des gouvernements successifs et les remèdes préconisés depuis la crise financière et immobilière de 2008, sous l’égide de la Troïka européenne : précarisation du travail, démantèlement des services publics, expulsions immobilières, avec pour conséquences la persistance d’une pauvreté massive, qui continuent à être sanctionnés par l’opinion, malgré les allégations du gouvernement sortant d’un retour de la croissance pouvant inverser cette tendance.

A gauche, l’alternative à cette politique est d’abord caractérisée par la progression du Sinn Fein, le parti Républicain historiquement marqué par son combat pour la réunification de l’Irlande et aujourd’hui par sa détermination à sortir le pays des politiques austéritaires et de régression sociale qui brident la souveraineté populaire. Avec 13,8% (+3,9% et 22 ou 23 élus contre 14), il n’obtient certes pas un résultat qui puisse lui permettre de peser suffisamment pour un gouvernement de changement progressiste mais il est la force incontournable représentant les intérêts nationaux du peuple irlandais. Il faut également mesurer ce résultat à l’aulne du vaste rassemblement politique et social impulsé par la plateforme RIGHT2CHANGE (droit au changement), qui a potentialisé ces deux dernières années, avec le Sinn Fein, d’autres forces politiques, des élus classés comme «indépendants» et une partie des syndicats, un vaste mouvement de luttes pour l’appropriation et la gestion par le peuple de ses services publics (eau, énergie, santé...). Ainsi, l’extrême gauche de AAA-PBP (Alliance contre l’austérité-le peuple avant le profit), très active dans ce mouvement, progresse également avec près de 4% contre 1,7% et 5 sièges contre 3 en 2011. Les Verts progressent avec 2,7% (+0,9% et 2 élus), de même que les sociaux-démocrates (3% et 3 sièges) un petit parti ayant rompu avec les travaillistes sur une orientation anti-austéritaire.

Dans l’immédiat, ces élections plongent le pays dans l’instabilité politique. Le système tripartite bien rodé d’alternance sans alternative réelle de changement est à bout de souffle.

Il sera difficile aux deux frères ennemis de la droite de s’allier – du moins au gouvernement – sans continuer à s’affaiblir, de même que pour chacun d’entre eux de constituer des alliances sur la base de politiques de plus en plus rejetées par le peuple irlandais. Les travaillistes sont durablement mis sur la touche du fait de leur collaboration aux politiques néolibérales. Le Sinn Fein et toute la gauche anti-austéritaire se renforcent ainsi dans la construction d’une alternative progressiste à cette politique. «Le changement est en marche», a dit Gerry Adams, à l’annonce des premiers résultats. Ces forces seront également mobilisées sur le plan européen, pour permettre, en convergence avec la gauche d’alternative et de transformation progressiste européenne, d’agir pour une Union européenne profondément refondée autour de politiques de progrès et de paix.

José Cordon
Relations internationales du PCF

article paru dans Communistes du 2 mars 2016