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Massacres et répression à Djibouti, l’État français doit d’urgence réorienter sa diplomatie

«En 2016, je m’en irai. Cette fois, je peux vous le jurer». Parole de dictateur. C’était en 2011. Ismaïl Omar Guelleh se plaignait presque de devoir assumer la présidence de Djibouti, «le peuple ayant estimé que la relève n’était pas prête».

En avril 2016 il sera donc candidat à un 4e mandat. Pour arriver à ses fins, Guelleh est prêt à tout. Il l’a déjà démontré à maintes reprises pendant 17 ans d’un règne sans partage. Le 21 décembre 2015, les forces du régime ont commis un carnage dans le quartier de Buldhuqo (faubourg de la capitale) lors d’une cérémonie traditionnelle de la communauté Yonis Moussa. Le bilan est lourd, des dizaines de morts et 150 blessés. Dans l’après-midi, la police a attaqué une réunion des dirigeants de l’USN, une coalition de sept partis d’opposition, causant de graves blessures à plusieurs personnalités.

Cet assaut contre des civils, qui rappelle le massacre d’Arhiba qui avait fait 59 morts en 1991, s’inscrit dans une logique de chaos. Le pouvoir veut favoriser des tensions inter-tribales, pour se poser en garant de l’ordre et justifier une répression politique. Entre octobre et décembre plus de 300 personnes ont été arrêtées arbitrairement, responsables politiques de l’USN, militants associatifs et citoyens accusés de complicité avec le FRUD (Front pour l’unité et la restauration de la démocratie). Certaines sont incarcérées dans la sinistre prison de Gabode, où se pratiquent des actes de torture et les pires conditions d’enfermement.

Après le 21 décembre, plusieurs dirigeants de l’USN ont été arrêtés, parmi lesquels le secrétaire général de l’organisation ainsi que l’ancien ministre Hamoud Abdi Souldan. Ce dernier, blessé par balles, a été soigné au sein de l’hôpital militaire français Bouffard et a demandé une protection. Il a été mis dehors et arrêté. Le Président de la LDDH, Omar Ali Ewado, qui a diffusé la liste des personnes tuées, blessées ou disparues, a été à son tour arrêté et écroué pour «diffusion de fausses nouvelles». Il vient d’être condamné à trois ans de prison ferme pour diffamation alors qu’il n’y a ni plainte, ni victime.

Le Parti communiste français, qui entretient de longue date des liens de solidarité avec les forces démocratiques à Djibouti, réclame une enquête internationale sur les massacres de Buldhuqo et d’Arhiba ainsi que sur les autres crimes de masse, pour qu’une justice impartiale puisse poursuivre les responsables.

Le gouvernement français s’est contenté d’exprimer de simples «inquiétudes». Sa diplomatie donne le sentiment de se ranger une fois de plus du côté du régime d’Omar Guelleh qui terrorise sa population, contre les démocrates et les militants des droits humains. Enfermé depuis des décennies dans une matrice néocoloniale, et par des accords de défense scandaleux, l’État français s’obstine à appuyer les régimes dictatoriaux au nom d’une prétendue défense d’intérêts stratégiques. La France qui possède une importante base à Djibouti n’a plus le monopole d’une présence militaire. Les États-Unis, le Japon et même la Chine sont dorénavant implantés. Au lieu d’une fuite en avant lourde de conséquences, le gouvernement français serait bien inspiré de réorienter sa diplomatie afin de soutenir une résolution du conflit armé larvé entre le FRUD et le régime de Djibouti qui perdure depuis 24 ans, malgré 2 accords de paix. Il devrait avec l’Union européenne exiger l’application de l’accord-cadre du 30 décembre 2014 signé entre le pouvoir et l’opposition, seul à même de permettre une élection transparente le 8 avril prochain.

Dans l’immédiat, il faut mettre fin aux massacres, arrestations et tortures, et aux viols des femmes Afar par l’armée du régime.

Dominique Josse
Relations internationales du PCF
article paru dans Communistes du 20 janvier 2016