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Journée de travail du secteur international : introduction de L. Samarbakhsh

Parti communiste français

« Journée inter » du 30 novembre 2013

Introduction

Lydia Samarbakhsh

 

 

 

Chers camarades,

Cette journée est la vôtre. Nous sommes ensemble ici, venus de toute la France (et toute l'équipe du secteur inter mesure l'effort produit à la veille de la manifestation du 1er décembre) pour débattre ensemble de ce que nous faisons, les uns et les autres -chacun là où il est engagé et milite, afin de donner voix et de traduire en actes l'action internationale de notre parti, afin de rassembler, de mettre en mouvement, de peser sur le cours des choses.

Nous sommes ici tous des militants qui « font de l'inter » : responsable aux questions inter dans sa fédé ou de sections, militants associatifs, élus engagés dans des coopérations décentralisées, collaborateurs bénévoles de tel ou tel collectif du Secteur inter, mais aussi animateurs de commissions de travail du CN, ou encore engagés dans sa vie professionnelle universitaires ou journalistes.

Quelles responsabilités, quel rôle, quels objectifs sont les nôtres, nous communistes français, en cette période particulière de crise profonde du capitalisme et de mondialisation financière qui – globalement – n'a rien libéré d'autres que les dominations, les exploitations et les humiliations, et en cette période du combat pour l'émancipation humaine, la dignité et donc la démocratie, le développement partagé et le partage des richesses, la paix, la sécurité en tous domaines et la souveraineté de notre peuple et de tous les peuples. Oui, souveraineté de notre peuple et de tous les peuples ensemble, et non pas l'un avant les autres, et encore moins l'un « contre », ou au détriment des autres.  « Ensemble » ne signifie pas pour autant « tous en même temps », ni « tous pareillement » ; chaque peuple devant en permanence demeurer, ou redevenir, maître de son destin, de son projet de société, du chemin pour le construire...

Et, d'ailleurs, dans quel moment historique nous trouvons-nous ? comment le comprendre, qu'est-ce qui le caractérise ? quelles sont les dynamiques à l'oeuvre, quelles sont les contradictions et les articulations en présence ? Qu'y a-t-il aussi de neuf depuis 25 ans ? Qu'est-ce qui a changé, qu'est-ce qui bouge ? De l'Amérique latine au Proche-Orient, ce début du XXIe n'a déjà plus rien à voir avec le monde des années 1970. Des processus de longue durée, complexes car entravés d'obstacles nombreux et pétris de contradictions, portent un espoir que certains avaient décrété ou pensaient sincèrement impossible (je pense aux peuples arabes), sont à l'oeuvre.

C'est en permanence que nous devons, collectivement, affiner notre compréhension de l'état réel de la situation -dans ses contradictions- pour agir efficacement. Notre but, comme parti communiste, n'est pas d'agir pour adapter la réalité à nos rêves, ni d'ailleurs de renoncer au final à notre idéal au nom d'un soi-disant principe de « réalité ». Il n'est pas non plus d'imaginer un monde meilleur et de chercher convaincre tout le monde qu'il serait le meilleur. Nous inscrivons notre visée révolutionnaire dans le présent à transformer aujourd'hui avec la volonté d'ouvrir les chemins du rassemblement, de l'action pour bâtir l'avenir, en rassemblant et travaillant à la mise en mouvement des forces populaires, et contribuer à les mettre en situation de décider et de construire cet avenir.

Comprendre ce qui se passe – et du tout moins déjà : faire tous les efforts pour le faire, et en débattre, confronter – n'est pas une perte de temps, ni un exercice strictement intellectuel (et certainement pas, strictement individuel). Il y a un mouvement indispensable, perpétuel, à opérer entre ce que nous comprenons et ce que nous faisons, d'autant ce que nous faisons contribue aussi à ce que nous pouvons comprendre.

Jeudi soir, Leila Shahid, rendait aux communistes français un vibrant hommage : « Il faut avoir la force, le courage de vouloir comprendre le monde pour mener le combat pour le changer », et elle appelait tout l'auditoire, et par-delà nous, toutes et tous, à une grande humilité.

Asséner des certitudes, sur un ton péremptoire, et des « il n'y a qu'à » ou des « il suffisait de », faire la leçon depuis l'étranger aux forces révolutionnaires et aux peuples qui se battent dans des conditions – non seulement différentes mais le plus souvent d'une violence et d'une dureté que nous ne connaissons pas malgré les attaques aux droits, la crise et la régression sociale, économique et démocratique – faire la leçon n'est plus de mise.

Ouvrir le chemin de l'émancipation humaine et de la transformation sociale, du dépassement du capitalisme, de la domination, des aliénations sachant que personne ne détient à lui seul ni la solution, ni la vérité, encore moins le pouvoir de l'imposer aux autres – n'a pas toujours été une évidence, mais elle est désormais notre conviction profonde voire même, désormais, notre seule et unique certitude.

L'entretien publié par l'Humanité d'hier avec une philosophe française titrait : « Il n'y pas de démocratie réelle sans transformation sociale » – j'ajouterais « et inversement, et surtout ! Inversement ». Il ne peut y avoir pas de transformation sociale émancipatrice sans démocratie réelle laquelle est sans cesse à inventer en tout domaine, sous toute forme.

Pierre Laurent lors du 90e anniversaire du PCF en 2010 : « On m'interroge souvent sur l’histoire du PCF comme s’il s’agissait d’un bloc, ou sur l'avenir du PCF comme s'il s'agissait de quelque chose en soi et pour soi. Mais aucun communiste ne s’est jamais engagé pour poursuivre la « rédaction d'un livre par devoir de mémoire » ou par loyauté formelle envers ses prédécesseurs. C’est dans la braise de l’actualité et du combat de classes que se forge l’engagement au Parti communiste. Et c’est peu de dire qu’en ce moment, les braises sont incandescentes. »

Mais, ajoutait-il : « Nous ne sommes pas des militants sans mémoire. En combattants d’expérience, nous savons que rien ne pousse ou ne renaît sans racines. C’est d’ailleurs pourquoi l’empreinte communiste dans l’histoire de la société française, si marquante, est l’objet d’un combat souvent si féroce. »

Et puis, notre secrétaire national rappelait : « L’espoir suscité par la révolution d’octobre 1917 a cristallisé la genèse du parti communiste. Mais la naissance du PCF n’a jamais été une greffe. Ses racines sont multiples et profondes dans l’histoire nationale. Le choix de Tours s'est voulu le prolongement du cri de Jaurès qui avait alerté contre la boucherie de 1914-1918 dans laquelle les puissances européennes et les puissances d'argent entraînèrent les peuples d'Europe et ceux qu'ils colonisaient en Afrique et en Asie ; il a prolongé des grandes lignées du mouvement populaire et ouvrier. ».

*

Cette petite journée de travail a pour objet, un peu plus de neuf mois après notre congrès, d'apprécier ces derniers mois d'activités qui correspondent à un contexte politique national précis.

Il s'agit d'abord, et pour nourrir notre réflexion collective, d'un échange approfondi d'expériences, et de décider ensemble d'initiatives et de rendez-vous nouveaux.

Ce sont les 134 000 communistes qui définissent en Congrès leur orientation, une fois qu'elle est déterminée aux termes de mois de débats dans tout le pays, ce sont les 134 000 communistes qui la mettent en oeuvre. La vocation d'un secteur international est de mettre à la disposition des 134 000 communistes tous les moyens d'agir : intellectuels, humains, matériels ; et de lui-même mettre en oeuvre leurs décisions en se chargeant également de maintenir aussi fortes et vivantes possibles nos relations avec toutes les forces de transformation sociale et démocratique, toujours plus nombreuses, souvent très éclatées, souvent très affaiblies, à travers toute la planète.

*

Nous avons contribué, de manière significative, à la mobilisation des forces populaires, citoyennes, de la gauche pour chasser du pouvoir la droite revancharde et « proto-lepéniste » de Nicolas Sarkozy. Nous n'avions aucune illusion sur la politique qui serait mise en oeuvre, et nous n'en avons nourri aucune.

Pour autant, les renoncements politiques, et idéologiques, ont été non seulement rapides mais d'une grande gravité. Certes, la social-démocratie est en crise depuis quelques décennies mais le tour pris en plusieurs domaines « vitaux » à commencer par l'économie, le social et la politique étrangère est très inquiétant.

Outre la « rigueur », Le président Hollande et son premier ministre ont repris à leur compte les termes et objectifs de « compétitivité » et de « coût du travail ». En quelques mois, François Hollande a signé le pacte budgétaire européen qu'il avait promis de renégocier(et c'est en ce mois de décembre que la sanction de notre budget national à la validation de la Commission européenne entrera pour la première fois en vigueur) ; il a imposé un Accord interprofessionnel (ANI) dicté ligne à ligne par le Médef ; il a abandonné les syndicalistes et renoncé à l'amnistie de ceux qui s'étaient battu contre la réforme des retraites en 2010. Pire, un an après son élection, il a chaussé les bottes de son prédécesseur pour imposer une nouvelle étape de réforme mettant en péril notre système de retraite et de protection sociale solidaire.

Pire encore, il a engagé la France dans une intervention militaire au Mali aux conséquences incertaines et aux résultats précaires, puis avec son ministre des Affaires étrangères, il a failli entraîner le monde dans une escalade militaire en Syrie qui est déjà à feu et à sang, et ce au nom de la prétendue « responsabilité de protéger les peuples », resucée du « droit d'ingérence », « responsabilité de protéger » qu'il a parfaite en en faisant une « responsabilité de punir ». Et comme si ce n'était pas assez, au cours des négociations des 5+1 avec l'Iran sur la question nucléaire, c'est la France qui, contre les Etats-Unis, s'est faite l'instrument des intérêts particuliers et bellicistes de l'Arabie saoudite et d'Israël (et son gouvernement d'extrême droite) qui préfèrent le chaos soi-disant contrôle à la paix au Proche-Orient, à un État palestinien, et à l'instauration de démocraties et de sociétés progressistes dans la région, et en Afrique de l'ouest.

À l'heure où nous parlons, se prépare une nouvelle intervention militaire française, cette fois en Centrafrique. Les mouvements de troupes (on appelle cela « la montée en forces ») ont débuté. Tout semble indiquer que son déclenchement coïncidera avec le Sommet pour la paix et la sécurité en Afrique qui, à l'initiative du président de la République, se tiendra à Paris les 6 et 7 décembre 2013.

Tirant sans doute les leçons des circonstances de l'intervention au Mali (et déjà ! des preuves de ses limites politiques), le président et ses ministres des AE et de la Défense ont pris soin de convaincre l'ONU et son secrétaire général de leur option, et préparé un projet de résolution destiné à transformer à terme en une opération de maintien de la paix (OMP) la force panafricaine déjà présente en République centrafricaine (la Misca).

« La résolution, placée sous chapitre VII de la Charte des Nations unies, prévoyant un recours à la force, autorise les forces françaises déployées en RCA à « prendre toutes les mesures nécessaires pour soutenir la Misca ». Les Français joueront le rôle d'une « force de relais » pour protéger les civils en attendant que la force panafricaine puisse le faire, a précisé l'ambassadeur. Trois mille six cents soldats africains sont censés être déployés au 19 décembre. » Le texte devrait être soumis au vote la semaine prochaine, au moment où la France prendra pour un mois la présidence tournante du Conseil de sécurité. Aucun des quinze membres ne se serait opposé aux propositions françaises. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense, a annoncé qu'un millier de soldats seraient déployés dans le pays « pour une période brève, de l'ordre de six mois à peu près ».

La situation en Centrafrique est, c'est vrai, tragique et il y a urgence à stopper les combats, la violence, sécuriser le pays et porter secours aux populations. Mais la France est-elle vraiment la mieux placée pour jouer un rôle qui ressemble tellement à celui de « gendarme de l'Afrique » ?

Tout le monde le reconnaîtra, en matière de politique étrangère, il nous est tous venu la même question à l'esprit : pourquoi font-ils cela ? Pourquoi ce gouvernement, ce président, fait cette politique étrangère qui n'a rien à voir avec les principes et les engagements internationalistes de la gauche ?

Peut-être qu'un début de réponse se trouve dans la façon dont le pouvoir « voit » et comprend le monde et notre époque.

Dans une allocution prononcée devant les élèves de l'École polytechnique en juin, le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, exposait sa vision du monde : un monde « apolaire, brouillé, éclaté, hésitant » dans lequel la France se doit d'être une « puissance repère » et une « puissance d'influence ».

L'interdépendance des relations internationales donne lieu, selon L. Fabius, à une « confusion croissante entre ce qui appartient à la sphère nationale et ce qui appartient à l’international. Les affaires internationales et les affaires intérieures sont les deux faces d’une même réalité – c’est-à-dire un monde nouveau – qu’il est donc décisif de bien comprendre » concluait-il.

De cette analyse contestable, découle une politique étrangère qui s'appuie sur trois axes pour restaurer le rang de « puissance » de la France : 1- une diplomatie dite économique, en réalité de VRP des multinationales, 2- la participation à la réactivation du jeu des puissances et de la confrontation, voire de l'usage de la menace d'intervention, bref par une « militarisation » des relations internationales, 3- et pour achever ou parfaire l'otanisation de notre politique étrangère et de notre défense nationale : disputer le leadership de l'OTAN à l'Allemagne, et même aux Etats-Unis !

De ce point de vue, les fondements de notre politique de Défense qui reposent sur 1-la dissuasion nucléaire, 2-le renseignement, 3-le renforcement de nos capacités d'intervention extérieures, sont éloquentes des orientations politiques du pouvoir.

Cette vision et cette politique ignorent en permanence le mouvement des peuples, les luttes et aspirations populaires, et tout ce qui est facteur d'espoir et de libération.

*

Au moment de notre Congrès, Pierre rappelait cette réalité :

« Un travailleur sur trois dans le monde, soit 1,1 milliard de personnes, est chômeur ou vit sous le seuil de pauvreté », annonçait en janvier Juan Somavia, le directeur général de l'Organisation internationale du travail (OIT). La précarité est galopante et la souffrance au travail ne cesse de s’accroître. Comment en est-on arrivé là ? La raison principale est que le capitalisme mondialisé a détourné les formidables potentiels d'économie de travail des technologies informationnelles.

Pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, nous avons la possibilité de hisser le niveau de coopération et d'échange entre les êtres humains à l'échelle de la planète toute entière. Mais au lieu de libérer ces énormes potentiels, le capital les asservit à ses objectifs de rentabilité. Plutôt que d'ouvrir une ère du partage, de la coopération, du bien commun et du service public, le capital a choisi la voie d'une nouvelle guerre économique mondialisée, mis en concurrence les salariés du monde entier, développé entre elles une compétition coupe-gorge terriblement destructrice, notamment en emplois industriels dans les pays avancés.

Les conséquences de ce choix se paient très cher (…).

Ainsi, l'humanité développe des capacités de production matérielle de plus en plus performantes, mais la façon dont elle le fait, dominée par l'exigence capitaliste de faire toujours plus d'argent, nous enfonce dans des crises durables au lieu de réorienter les progrès technologiques vers une nouvelle croissance sociale et écologique. C'est une spirale infernale qui est loin d'être stoppée.

Voilà la réalité, ce système est devenu fou et destructeur. Il existe pourtant une alternative. »

Et c'est à cela que nous travaillons en permanence, et qui fait l'objet de nos discussions d'aujourd'hui.

Que nous consacriions les uns et les autres plus de temps à la solidarité avec la Palestine ou avec Cuba, avec le Venezuela ou avec les Kurdes, avec le peuple sahraoui ou la coopération avec nos amis vietnamiens, à travailler à la lutte contre l'Europe austéritaire et la refondation de l'UE, ou la solidarité avec les Maliens... nous sommes tous animés de la même ambition pour notre pays, pour notre peuple, pour le monde et le genre humain : construire un monde de paix, de dignité, de progrès et de démocratie.

Alors comment tout cela concrètement prend corps ? Et quels gestes produire pour améliorer nos capacités d'intervention, l'efficacité de notre action, le poids de notre influence, l'utilité de notre combat ? Le débat est ouvert !

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Journée de travail du secteur international : introduction de L. Samarbakhsh

Par Lydia Samarbakhsh, le 04 December 2013

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