Accueil
 
 
 
 

Syrie

 

Que peut-on dire de la situation en Syrie aujourd'hui?   C'est une situation vraiment critique, chaotique, de grande violence, résultat de la répression extrêmement brutale, criminelle, menée, dès le début des manifestations populaires en mars 2011, par le régime de Bachar El Assad. On compte aujourd'hui, selon les évaluations données par des ONG et par l'ONU, plus de 7000 morts. Il y en a probablement bien plus, selon certains responsables et personnalités de l'opposition.   Cette situation, au fil des mois, est devenue particulièrement complexe. La violence de la répression a entraîné une militarisation de la résistance. Des militaires ayant fait défection et des civils ont pris les armes pour défendre les manifestants. Des comités d'auto-défense se sont constitués. Les médias et les journalistes sur le terrain constatent une montée de la confrontation armée pour la maîtrise de certains quartiers urbains, de certains lieux... Tout ne semble pas maîtrisé, coordonné. C'est la réalité. Il y a une forme de guerre civile avec des tensions et des confrontations communautaristes y compris de dimension régionale. Il y a surtout une guerre du régime et de son armée, de ses services de sécurité, contre ceux qui leur résistent. Les bombardements massifs et intensifs à Homs et ailleurs frappent indistinctement la population, les militants (armés ou non) de l'opposition, et même des journalistes... Le pouvoir fait tirer sur les cortèges lors des obsèques des victimes. Des snipers abattent des civils qui sortent de chez eux.   C'est une situation profondément choquante. On peut faire des analyses différentes de la situation politique, selon le niveau et la nature des informations auxquelles on a accès... mais un régime qui fait tirer à balle réelle sur les manifestants et qui bombarde ses villes à l'arme lourde, c'est un fait totalement inacceptable qui doit être clairement condamné. C'est pour cette raison que nous participons aux manifestations unitaires contre la répression. Celle du 11 février dernier à Paris a rassemblé l'ensemble des syndicats et des partis politiques de gauche français.     En Syrie, comme ailleurs dans le monde arabe, un mouvement populaire s'est levé contre le régime en place. Dans chaque pays -Tunisie, Egypte, Yémen notamment- les changements intervenus, les développements politiques sont issus d'un contexte national particulier. Comment expliquer le cas singulier syrien?   Ce qui se passe en Syrie, en effet, ne peut être séparé de ce qu'on appelle le Printemps arabe qui est, en fait, un basculement politique de l'histoire du monde arabe. Les peuples de ce monde très diversifié, et en même temps unis ou convergents par l'histoire, la langue, la culture, par la référence essentielle à la cause palestinienne qui est aussi une cause arabe... ces peuples se soulèvent pour en finir avec des régimes à bout de souffle, incapables de leur offrir un avenir digne de ce nom avec la justice, les libertés nécessaires et les règles indispensables d'un Etat de droit...   Ces régimes sont, disons, le fruit des nationalismes issus de la décolonisation, des partis Baas et des formations nassériennes. Autant de régimes dépassés par les aspirations populaires et les attentes sociales multiples de notre époque.   La Syrie est un pays très complexe. Nationalisme et communautarisme s'y côtoient. Mais il n'échappe pas à ce changement d'époque. Le régime de Bachar El Assad qui repose sur les intérêts particuliers d'une minorité, d'une famille politique, d'un clan, d'une partie de la bourgeoisie est évidemment incapable d'assumer ce basculement de l'histoire. Il a au contraire aggravé les contradictions par une politique de développement capitaliste néo-libéral avec un niveau élevé de corruption. La politique syrienne n'a rien d'un choix progressiste affirmé, cohérent et qui s'assumerait dans la durée, même si la Syrie est dans une posture régionale anti-israélienne. On est, en fait, loin de l'image anti-impérialiste que le régime s'est donnée mais qui ne correspond pas à la réalité. Le régime syrien, l'histoire l'a montré dans les quelques dizaines d'années écoulées, est un régime qu'on peut qualifier d'opportuniste parce qu'il gère ses alliances et ses conflits en fonction des conjonctures, des rapports de force et de ses stricts intérêts de puissance régionale. Après tout, durant la première guerre du Golfe, la Syrie s'est rangée du côté des Etats-Unis... En 1976 -autre exemple- la Syrie est intervenue militairement, au Liban, au côté de la droite et de ses milices, contre l'alliance des Palestiniens et de la gauche libanaise, et on se souvient du bombardement méthodique du camp de Tall El Zaatar où des centaines de palestiniens ont alors été massacrés tandis que l'armée de Hafaz El Assad surveillait les alentours...     Il y a plusieurs partis communistes en Syrie. Quels sont-ils?   Selon nos informations, il y a aujourd'hui 4 partis ou courants communistes différents. Le Parti communiste syrien unifié dirigé par Hussein Nemer (auparavant par Youcef Faycal) et le Parti communiste syrien dit de Bagdache (figure historique du communisme en Syrie) qui est en fait une sorte de parti centré sur une famille, celle des Badgache. Ces deux partis ont chacun un ministre au gouvernement et participent officiellement au «Front national progressiste» avec le Parti Baas présidé aujourd'hui par Bachar El Assad, et qui est évidemment le parti dominant.   Il est consternant que des partis communistes puissent ainsi cautionner la politique du régime de Damas, même en rappelant la nécessité de réformes. Des réformes elles-mêmes annoncées par le pouvoir... sans jamais voir le jour.   Un autre parti communiste a fait son apparition, dirigé par Kadri Jamil. Il semble se définir sur des options un peu plus critiques. Il existe encore le Parti d'action communiste, parti d'opposition qui se serait formé en dehors des PC existants avec des jeunes. On parle enfin d'un Front de la gauche marxiste et une Coalition des forces patriotiques démocratiques composée de plusieurs organisations et de communistes en rupture avec les deux partis liés au régime a été annoncée le 14 février... On sait effectivement que des militants et des cadres ont quitté les partis communistes qui soutiennent le régime. Mais il y a globalement peu d'informations précises sur toutes ces questions.     Quel rôle jouent-ils réellement?   On est en présence d'une mouvance communiste éclatée et assez faible dont une bonne partie collabore avec le régime de Bachar El Assad, et qui n'a pas cherché à se distancer sérieusement.   En Syrie comme ailleurs - mais en Syrie peut-être plus qu'ailleurs - est posée la question de l'existence et du rôle de formations politiques authentiquement de gauche, progressistes et capables de faire converger, pour le peuple syrien, à la fois l'exigence démocratique et la nécessité de l'indépendance syrienne contre les ingérences et les stratégies pro-occidentales de l'Arabie Saoudite, du Qatar qui soutiennent les islamistes et les salafistes un peu partout...et cela en alliance avec les Etats-Unis pour les intérêts politiques et pétroliers de ces derniers. Une période de bouleversements et de soulèvement populaire comme celle que nous vivons aujourd'hui constitue un défi énorme en termes d'exigences politiques. Les forces des courants de l'islamisme politique ont su, à des degrés divers, profiter des contextes particuliers de la Tunisie et de l'Egypte. Il faut souhaiter qu'en Syrie, les courants, les personnalités, progressistes et démocratiques -aujourd'hui dans une situation très difficile- pourront jouer un vrai rôle. La situation est aujourd'hui d'une telle complexité, y compris au sein du Conseil National Syrien (où le poids des islamistes est important), qu'il est difficile de dire ce que sera demain une nouvelle configuration politique syrienne...En ce qui le concerne le PCF a choisi de rencontrer, écouter - en exprimant sa solidarité - toutes celles et ceux qui agissent pour la démocratie tout en refusant clairement le jeu néo-impérialiste de Washington dont on sait qu'il consiste notamment à chercher, pour leur hégémonie, pour leurs intérêts stratégiques propres, l'affaiblissement de l'axe Damas/Téhéran/Hezbollah au Liban...     L'extrême gravité de la situation et la brutalité de la répression poussent beaucoup de gens et certains gouvernements à une intervention extérieure. Une telle intervention est-elle nécessaire... et possible?   On touche là à la difficulté du cas syrien. Toutes les questions politiques posées à propos du régime et de l'avenir de la Syrie sont surdéterminées par des enjeux stratégiques régionaux et internationaux. Il y a même une forme de superposition de la crise syrienne avec la crise sur le nucléaire iranien puisque les protagonistes, globalement, sont les mêmes. Il faut donc faire attention à ne pas jouer avec le feu. Si une escalade débouchait brutalement sur une confrontation militaire élargie au Proche-Orient... on serait alors dans une crise internationale majeure avec des dangers énormes pour tous les peuples et en particulier pour le peuple palestinien. Mais aussi pour le Liban où l'on est pas si loin d'une guerre civile: déjà des affrontements se sont produits au Nord. Et l'on apprend par Le Figaro (23 02 12) que la Jordanie, avec l'aide américaine et allemande, déploie des batteries Patriot contre d'éventuelles attaques de la Syrie, et pour protéger Israël.   On voit que Barak Obama -en pleine campagne électorale- essaie de calmer le jeu, d'empêcher Israël (au moins pour le moment) d'aller bombarder l'Iran, principal allié et soutien de la Syrie. La France de Nicolas Sarkozy, elle, est sur une tonalité plus agressive... mais elle suivra Washington. Constatons au passage que cet alignement atlantiste ne donne pas à notre pays la capacité de définir une politique indépendante et à l'initiative de façon positive dans un contexte d'accélération de l'histoire. Ce qui exigerait, précisément, une grande politique étrangère pour le règlement politique des conflits, le désarmement, la valorisation du multilatéralisme et du rôle de l'ONU, la coopération pour le développement avec l'ensemble des pays du monde arabe, la refondation des accords euro-méditerranéens... On est pas hors sujet en disant cela. Ce n'est pas en faisant la guerre, en Libye ou ailleurs, qu'on règle les problèmes et qu'on se met à la hauteur des défis du moment.     Mais la France n'appelle pas à une intervention militaire en Syrie...   Formellement, non. Mais les choses sont toujours plus compliquées. La Turquie et la France sont en froid à cause de la question arménienne mais les deux pays appellent... qui à une zone sous protection aérienne, qui à des couloirs humanitaires. Au nom de l'humanitaire (il y a des problèmes réels qui en relèvent) on avance l'idée d'interventions extérieures qui, de toutes façons, avec ou sans résolution de l'ONU, ne pourraient pas se réaliser sans un dispositif militaire très conséquent... ce qui ne pourrait conduire qu'à la guerre, sauf si les autorités syriennes acceptaient un tel déploiement ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.   Le PCF a dit très nettement son opposition à une telle intervention. Et l'opposition syrienne, globalement, ne la demande pas, même si l'idée fait débat au sein d'une opposition complexe et très diverse.     Dans ces conditions, que faut-il faire?   En Syrie, un point de non retour a été atteint. C'est l'évidence. Le régime, même avec sa présence militaire, avec l'assurance du soutien de la Russie et de la Chine, ne peut pas l'emporter et l'opposition, pour l'instant, ne dispose pas du rapport de force pour changer vraiment les choses et obtenir la chute de Bachar El Assad. On est partis pour une confrontation de longue durée avec des risques énormes pour toute la région.   Plusieurs conférences de pays amis de la Syrie, sous la houlette de la France ou de la Turquie, ont été prévues sans qu'on puisse entrevoir ce que seront les résultats de ces réunions. La Russie, aujourd'hui, a décliné l'invitation. On sait qu'il y a eu des tractations pour obtenir de la Russie qu'elle joue un rôle plus direct pour une issue politique et pour peser sur le régime de Damas... Mais pour l'instant c'est l'impasse.   Notre responsabilité reste d'exprimer avec force la solidarité avec toutes les forces qui résistent et qui agissent pour une issue démocratique, à condition que celle-ci ne soit pas un soutien à la stratégie américaine. Nous devons clarifier les enjeux, expliquer les problèmes posés. Souligner l'importance d'une convergence de toutes les oppositions démocratique pour une issue politique. Alerter sur les dangers d'une guerre. Cela légitime le combat des progressistes. Nous demandons l'application de sanctions ciblées contre les dirigeants du régime. Le peuple syrien paie très cher cette crise terrible. Nous devons être à ses côtés en montrant explicitement que, pour les communistes français, l'exigence démocratique est fondamentale. C'est aussi ce que nous disent l'ensemble des peuples arabes. Cette exigence est d'ailleurs au cœur de l'élaboration stratégique des Communistes français.   (24 02 12)

Il y a actuellement 0 réactions

Vous devez vous identifier ou créer un compte pour écrire des commentaires.

 

le 07 March 2012

    A voir aussi