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Conférence de Bahreïn: La Palestine n'est pas à vendre

Après une longue gestation un plan, qui promet de résoudre rien de moins que le conflit israélo-palestinien, a été présenté par les États-Unis les 25 et 26 juin lors de la conférence de Manama (Bahreïn). A leur côté se trouvaient des représentants des pays du Golfe, du Maroc, d’Égypte, de Jordanie, de l'Union européenne, Christine Lagarde pour le FMI, des célébrités de la finance mais aussi le patron de la FIFA. Les principaux concernés n'y participaient pas. Il s'agissait pour les faucons de Washington, Jared Kushner, gendre de Donald Trump chargé du dossier, Jason Greenblatt et David Friedman d'exposer le contenu du volet économique.

Les États-Unis ont pris prétexte des échecs successifs des négociations, omettant de souligner qu'ils résultaient de la politique d'annexion israélienne de Jérusalem et de la Cisjordanie ainsi que de l'installation de 600 000 colons, pour se débarrasser d'un revers de main de toutes les résolutions internationales qui servent de base aux discussions et enterrer définitivement la solution à deux États.

Sorte d'amphigouri, souvent en deçà de propositions anciennes, directement inspiré par l'extrême droite israélienne, ce plan égrène des formules creuses, des promesses mirifiques sans le moindre soupçon d'engagements financiers. Issus de donateurs étatiques mais aussi du secteur privé, 50 milliards de dollars font miroiter une multiplication du PIB par deux, la création d'un million d'emplois et la division par deux de la pauvreté. Ces fonds, dont les Palestiniens n'auront pas la maîtrise, seraient gérés par une banque de développement avec les 2/3 pour la Cisjordanie, Gaza, et le tiers restant pour le Liban, la Jordanie et l’Égypte. Les termes de "Palestine", "colonisation" et "Jérusalem" n'ont pas été prononcés dans le discours inaugural.

L'objectif américain est sans ambiguïté. Il s'agit de marginaliser les Palestiniens, pour les faire capituler et accepter leur défaite en échange de quelques milliards. Depuis son élection, D. Trump a décuplé les gestes favorables à l'État hébreu tout en adoptant une vague de décisions hostiles aux Palestiniens. Les États-Unis ont reconnu Jérusalem comme capitale d'Israël, ils ont mis fin au financement de l'UNRWA, cette agence de l'ONU qui prend en charge les réfugiés et dont D. Trump conteste le statut. Plus récemment, pour favoriser la réélection de Benyamin Netanyahou, ils ont reconnu la souveraineté d'Israël sur le Golan tandis que l'ambassadeur David Friedman confirmait le droit d'annexer la Cisjordanie.

    “Dans le monde arabe, les opinions publiques sont largement hostiles”

Le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a rompu, depuis, les relations avec Washington et a refusé de se rendre à la conférence de Manama. Pour une fois, toutes les composantes du mouvement palestinien sont unies pour faire front face à cette nouvelle tentative d'humiliation. Les droits légitimes du peuple palestinien à disposer d'un État ne sont pas à vendre. A la suite des mobilisations antérieures, comme "les marches du retour", ils se sont à nouveau rassemblés pour exprimer leur colère.

Dans le monde arabe, les opinions publiques sont largement hostiles devant ce qui apparaît comme une trahison du peuple palestinien par leurs dirigeants. Des manifestations populaires ont eu lieu à Rabat, Amman et Beyrouth. Certains États, totalement dépendants des subsides des pétromonarchies et des États-Unis, ne sont guère à l'aise sachant que rien ne pourra fonctionner sans la reconnaissance préalable d'un État palestinien. Jusqu'à présent, tous les projets ont buté sur une colonisation qui entrave la libre circulation des biens et des personnes, qui morcelle le territoire, qui bride la création d'un port ou d'un aéroport et qui contrôle les frontières.

L'échec annoncé du projet ne doit pas conduire à sous-estimer la portée de cette conférence. Plusieurs paramètres sont à prendre en compte comme la volonté des États-Unis de se retirer partiellement du Moyen-Orient et de confier la tâche de contenir l'Iran aux israélo-arabes. Désormais, pour les monarchies du Golfe et leurs alliés, Israël n'est plus l'ennemi mais un potentiel partenaire dans cet affrontement. Ce plan économique scellerait l'alliance des pays arabes avec Israël sans forcément que l'État hébreu ne recherche la paix avec les Palestiniens.

Enfin, D. Trump entend dévoiler le volet politique de ce plan lors de la campagne électorale de 2020. Nul doute que les surenchères seront légions pour contenter l'aile évangélique de sa coalition alignée sur les extrémistes israéliens.

Pascal Torre
responsable-adjoint du secteur international du PCF
chargé du Maghreb et du Moyen-Orient
article publié dans CommunisteS du 3 juillet 2019

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le 02 juillet 2019

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