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Note - Le pacte mondial des migrations sûres, ordonnées et régulières, dit pacte de Marrakech

Processus du pacte, contexte de la conférence intergouvernementale et les résultats du vote du 19 décembre 2018 à l’ONU

L’adoption du pacte est l’aboutissement d’un processus qui a débuté en septembre 2016 suite à une déclaration adoptée par tous les Etats membres des Nations unies qui réaffirmait l’importance de la protection internationale des personnes en mouvement dans le monde.

Depuis cette date, Louise Arbour, représentante spéciale du Secrétaire général pour les migrations internationales a conduit de nombreuses consultations et négociations dès début 2017.

Depuis ce septembre 2016 jusqu’à la conférence intergouvernementale de Marrakech, le sujet des questions migratoires s’est enflammé. Les Etats-Unis ont quitté le processus de concertation dès la fin de l'année 2017, le disant contraire à leur politique sur le sujet. Selon des diplomates, Washington n’aurait pas cessé les pressions directes et indirectes sur les pays pour qu’ils n’adhèrent pas au pacte.

Antonio Guterres a débuté la conférence en exhortant les représentants des différents pays à ne pas céder à la peur et aux mauvais récits concernant les migrations.

Quelques mois avant la conférence intergouvernementale de Marrakech, ce texte a fait l’objet de profondes désinformations et des tentatives de manipulation de la part de l’extrême droite et de la droite la plus dure en France. Certains groupes de « Gilets Jaunes » ont participé à cette désinformation.
En plein mouvement des « Gilets Jaunes », le 10 décembre 2018, Macron envoie le secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, Jean-Baptiste Lemoyne. On ne retrouve aucune déclaration publique de la France à cette conférence intergouvernementale, ni à l’Assemblée générale de l’ONU du 19 décembre 2018.
La présence du Premier ministre belge à Marrakech a fait exploser la coalition du gouvernement avec les nationalistes flamands.

Le 10 décembre 2018, le pacte a été officiellement approuvé par une forte majorité des Etats (162).
Lors de l’Assemblée générale de l’ONU à New York du 19 décembre 2018, 152 pays ont voté pour dont la France.
Seuls 5 pays ont voté contre : les Etats-Unis, la Hongrie, Israël, la Pologne, et la République Tchèque.
12 pays se sont abstenus : Algérie, Australie, Bulgarie, Chili, Italie, Lettonie, Libye, Liechtenstein, Roumanie, Suisse et Singapour.
10 pays étaient absents lors du vote dont la Slovaquie.

Enfin, le nouveau Président brésilien a fait savoir qu’il se retirerait de ce pacte dès qu’il aura pris ses fonctions. A l’occasion de l’annonce de son retrait, Bolsonaro a dit que « vivre en France était insupportable à cause des migrants ».

Les objectifs et le contenu du pacte

Le pacte mondial sur les migrations ne concerne que les migrants et non les réfugiés qui bénéficient d’une protection spécifique au titre de la Convention de Genève de 1951.

Il repose sur les buts et principes consacrés par la charte des Nations unies de 1945 et s’appuie notamment sur la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH) de 1948, l’accord de Paris sur le climat de 2015.
Il reconnaît que des migrations sûres, ordonnées et régulières sont bénéfiques à tous lorsqu’elles se font de manière éclairée, planifiée. Il reconnaît que les migrations font partie intégrante de la mondialisation reliant entre elles les sociétés d’une même région et d’une région à l’autre et faisant de tous les pays, des pays de départ, de transit et de destination.
Ainsi, le pacte essaie de tenir compte à la fois des droits humains des migrants et des attentes des gouvernements, notamment sur le plan de la sécurité et du contrôle des frontières. Ainsi, il énonce une série de principes directeurs (une dizaine) et 23 objectifs associés à un engagement.

Les principes directeurs :

  • Priorité à la dimension humaine : le pacte promeut le bien-être des migrants et des communautés dans les pays d’origine, de transit et de destination.
     
  • Coopération internationale : le pacte est un cadre de coopération juridiquement non contraignant créé en considérant qu’aucun Etat ne peut seul faire face aux migrations ; compte tenu de la nature transnationale du phénomène. Il est porteur de coopération et de dialogue aux niveaux international, régional et bilatéral, le pacte fait autorité par sa nature consensuelle, sa crédibilité, l’appropriation collective dont il fait l’objet, sa mise en œuvre conjointe et ses mécanismes de suivi et d’examen.
     
  • Souveraineté nationale : le pacte mondial réaffirme le droit souverain des Etats de définir leurs politiques migratoires nationales et leur droit de gérer les migrations relevant de leur compétence dans le respect du droit international.
     
  • Primauté du droit et garanties d’une procédure régulière : cela signifie que l’Etat, les institutions et les entités publiques et privées ainsi que les personnes mêmes ont à répondre de l’observation de lois promulguées, appliquées de façon identique pour tous et compatible avec le droit international.
     
  • Développement durable : rappel du programme de développement durable à l’horizon 2030 où est rappelé que les migrations contribuent au développement en particulier quand elles sont gérées correctement.
     
  • Droits de l’Homme : le pacte mondial réaffirme son attachement à l’élimination de toutes les formes de discrimination, dont le racisme, la xénophobie et l’intolérance à l’endroit des migrants et de leur famille.
     
  • Prise en compte de la problématique femmes-hommes.
     
  • Adaptation aux besoins de l’enfant : le pacte promeut le respect des obligations juridiques internationales relatives aux droits de l’enfant et réaffirme le principe qui consiste à toujours privilégier l’intérêt supérieur de l’enfant.
     
  • Approche mobilisant l’ensemble des pouvoirs publics : impossible de gérer le phénomène des migrations par un seul secteur du gouvernement pour veiller à la cohérence des politiques dans tous les secteurs et à tous les niveaux de l’Etat.
     
  • Approche mobilisant l’ensemble de la société : volonté de mobiliser les migrants, les diasporas, les populations locales, la société civile, les milieux universitaires, le secteur privé, les partenaires, les syndicats…

Les 23 objectifs :

  1. Collecter et utiliser des données précises et ventilées qui serviront à l’élaboration de politiques fondées sur la connaissance des faits.
     
  2. Lutter contre les facteurs négatifs et les problèmes structurels qui poussent des personnes à quitter leur pays d’origine.
     
  3. Fournir dans les meilleurs délais des informations exactes à toutes les étapes de la migration.
     
  4. Munir tous les migrants d’une preuve d’identité légale et de papiers adéquats.
     
  5. Faire en sorte que les filières de migrations régulières soient accessibles et plus souples.
     
  6. Favoriser des pratiques de recrutement justes et éthiques et assurer les conditions d’un travail décent.
     
  7. S’attaquer aux facteurs de vulnérabilité liés aux migrations et les réduire.
     
  8. Sauver des vies et mettre en place une action internationale coordonnée pour retrouver les migrants disparus.
     
  9. Renforcer l’action transnationale face au trafic de migrants.
     
  10. Prévenir, combattre et éliminer la traite de personnes dans le cadre des migrations internationales.
     
  11. Gérer les frontières de manière intégrée, sûre et coordonnée.
     
  12. Veiller à l’invariabilité et à la prévisibilité des procédures migratoires pour assurer des contrôles, des évaluations et une orientation appropriés.
     
  13. Ne recourir au placement en rétention administrative des migrants qu’en dernier ressort et chercher des solutions de rechange.
     
  14. Renforcer la protection, l’assistance et la coopération consulaires tout au long du cycle migratoire.
     
  15. Assurer l’accès des migrants aux services de base.
     
  16. Donner aux migrants et aux sociétés des moyens en faveur de la pleine migration et de la cohésion sociale.
     
  17. Eliminer toutes les formes de discrimination et encourager un débat public fondé sur l’analyse des faits afin de faire évoluer la manière dont les migrations sont perçues.
     
  18. Investir dans le perfectionnement des compétences et faciliter la reconnaissance mutuelle des aptitudes, qualifications et compétences.
     
  19. Créer les conditions permettant aux migrants et aux diasporas de contribuer pleinement au développement durable dans tous les pays.
     
  20. Rendre les envois de fonds plus rapides, plus sûrs et moins coûteux et favoriser l’inclusion financière des migrants.
     
  21. Coopérer en vue de faciliter le retour et la réadmission des migrants en toute sécurité et dignité, ainsi que leur réintégration durable.
     
  22. Mettre en place des mécanismes de portabilité des droits de sécurité sociale et des avantages acquis.
     
  23. Renforcer la coopération internationale et les partenariats mondiaux pour les migrations sûres, ordonnées et régulières.

Chaque objectif est accompagné de différents engagements.

Le pacte termine un paragraphe de suivi et examen. Les Nations Unis veulent procéder à l’examen des progrès accomplis aux milieux local, national, régional, mondial et avec la participation de tous les acteurs.
Les Nations Unies définissent la tenue d’un « Forum d’examen des migrations internationales » qui devrait avoir lieu tous les 4 ans à compter de 2022. Il sera le principal espace intergouvernemental dans lequel les Etats membres pourront débattre  et s’informer mutuellement.

Commentaires et quelques rappels

  • Ce texte est plus intéressant pour le droit des migrants que la loi asile-immigration de la France. En revanche, sa valeur non contraignante est certainement un handicap à tout progrès et toute amélioration des droits des migrants et reflète malheureusement la période où ce débat est hystérisé et manipulé par les nationalistes, les souverainistes, l’extrême droite, la droite et les populistes.
  • Les votes montrent bien l’Europe forteresse que certains souhaitent construite. Au sein de l’Union européenne, parmi les 28 Etats membres, 19 ont voté POUR, 3 ont voté CONTRE, 5 se sont abstenus et 1 n’a pas participé au vote. Cette cacophonie ne va pas faciliter l’indispensable solidarité pour accueillir dignement les migrants en Europe en respectant le droit international.
  • Ce pacte reflète bien une période difficile pour de nouveaux droits car il n’est pas à la hauteur de la convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille adoptée par l’Assemblée générale le 18 décembre 1990 et que la France n’a jamais signé.

Quelques chiffres pour terminer venant du site de l’ONU :

  • Les migrants contribuent à la croissance économique :
    432 milliards $ de transferts d’argent effectués par les migrants vers les pays en développement.
    132 milliards$ le montant de l’aide internationale au développement.
  • Nombre de réfugiés et des migrants internationaux dans le monde 2000-2015 :
    Réfugiés en 2000 ; 15,9 millions   en 2015 : 21,3 millions.
    Migrants en 2000 ; 172,1 millions  en 2015 ; 243,7 millions.
  • Les 10 principaux pays d’accueil de réfugiés fin 2015 :
    Turquie : 2 541 352      Liban : 1 070 854    Pakistan : 1 561 162   Iran :  979 437
    Jordanie : 664 118    Ethiopie : 736 086   Kenya - Ouganda -  République du Congo – Tchad
  • Décès sur les routes de la migration dans le monde :
    plus de  46 000 migrants morts sur la route de migration depuis 2000.
    Depuis janvier 2014 à mai 2016 : 8 412 en Méditerranée et 208 en Europe.

Cécile DUMAS
responsable adjointe au secteur International du PCF
chargée des questions migratoires