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Commission des relations internationales: introduction sur le Moyen-Orient de Pascal Torre

Le Moyen-Orient connaît une tragédie humaine et politique. Violences, destructions, terrorisme, dictature, corruption, réfugiés, souffrances humaines... traduisent une situation à bien des égards apocalyptique mais qui ne peut en aucune manière constituer un inéluctable destin. Ce Moyen-Orient tend aujourd'hui à se confondre avec le monde musulman.

Ces sombres perspectives conjuguent des éléments de crise qui s'inscrivent dans la longue durée provoquant un engrenage de violence dont les solutions d'avenir peinent à émerger.

1. Une crise d'une ampleur considérable

Sans établir de hiérarchie dans l'énumération des éléments de crise, les dimensions internes et internationales s'imbriquent tout en faisant du Moyen-Orient un champ privilégié des relations internationales de 1945 à 1989.

1.1 Une crise de longue durée

La décolonisation n'a pas été suivie par un processus de construction de l'État et de structures de pouvoirs dans ces différents pays. De plus, on note dans la plupart d'entre eux une inadéquation entre l'État territorial et les réalités des espaces post-impériaux ou post-coloniaux. Le refus de prendre en compte les pluralités ethniques, confessionnelles, les affiliations, les allégeances transfrontalières ont alimenté des tensions.

Pour y faire face, des régimes autoritaires stabilisateurs se sont mis en place depuis le début du XXe siècle. Ces formules ne sont nullement la conséquence d'une culture moyen-orientale mais bel et bien le fruit de la modernité. Ils survivent grâce à de puissants appareils sécuritaires destinés à juguler les insurrections locales.

Le Moyen-Orient est également orphelin de cette pensée de la modernité qui n'a pas tenu ses promesses. Pendant plusieurs décennies, il y a eu des mobilisations considérables autour de formules politiques universelles : occidentalisme, panarabisme, socialisme arabe, anticolonialisme, qui ont progressivement sombré même si les acquis ne sont guère négligeables.

Enfin pour faire main basse sur les richesses régionales, les puissances capitalistes ont apporté à ces États autoritaires un soutien militaire, financier, sécuritaire et symbolique gage de durabilité contribuant à fossiliser des situations et à affaiblir ces États. Les guerres successives et les violences massives, ont accéléré ce processus. Leurs récurrences : Afghanistan, Iran/Irak, Liban, guerre du Golfe ou Palestine... ont assommé ces sociétés.

1.2 Un baromètre du changement des relations internationales

Le Moyen-Orient est un baromètre des changements mondiaux. Il y a 25 ans, l'URSS agonisante était absente de la région tandis que les États-Unis sortaient triomphants de la guerre du Golfe. Or aujourd'hui, la Russie joue un rôle majeur tandis que les États-Unis sont sur la défensive. Les codes qui réglaient les relations durant la guerre Froide ont disparu alors que les voies vers une résolution des conflits n'apparaissent guère.
Depuis 1945, le Moyen-Orient est un champ privilégié des relations internationales. Sa force d'attractivité s'explique par la réunion de plusieurs facteurs qui attirent la puissance. On distingue :
- Un effet de proximité géographique de toutes les grandes puissances
- Il condense dans un espace réduit une grande diversité de peuples, de religions, de cultures en situation de cohabitation et de rivalité entre ottomans, persans et arabes.
- Il dispose de ressources pétrolières considérables
- Il attire les convoitises en raison de la décomposition concomitante des empires russe, ottoman, perse ou coloniaux.
Il faut ajouter le conflit israélo-palestinien qui constitue également pour toute la période un facteur d'attractivité pour les puissances.
Aux ingérences étrangères constantes s'ajoutent les affiliations obligées de la Guerre Froide qui réduisaient souvent à peu leur capacité d'autonomie.

Or tout cet ordre est en voie de dissolution. Le Moyen-Orient n'a plus le même effet attractif et cette configuration n'est pas toujours facile à intégrer.
D'abord, la fin de la Guerre Froide et l'émergence d'un monde post-bipolaire ont contribué à l'autonomisation d'États. De ce fait, on assiste à une atomisation du jeu moyen-oriental dans lequel la puissance peine à s'exercer.
De plus, depuis la fin de la bipolarité, la substance des conflits a changé. Ils n'opposent plus tendantiellement des États entre eux mais le choc s'opère entre des États et des lambeaux de sociétés. L'intermédiation sociale est plus forte que la confrontation militaire et cela neutralise le jeu de puissance. La nature profondément sociale des nouveaux conflits leur confère un caractère de rhizomes. La menace est mobile, elle apparaît là où on ne l'attend pas donnant à ces crises une grande fluidité.

1.3 De nouvelles voies dans le chaos

La solidité apparente du monde arabe a vite volé en éclat dans les années 1990. L'épuisement du panarabisme après la reconnaissance d'Israël par l'Égypte, les transformations des régimes baathistes en pouvoirs coercitifs, l'intégration du Moyen-Orient au système monde ont peu à peu confronté cet ordre traditionnel à des défis fondamentaux.
Le Moyen-Orient évolue alors dans un système d'incertitudes qui instaure la tyrannie au quotidien et dans lequel on peut dire que le néolibéralisme et l'islamisme ont laminé la pensée progressiste de gauche.

La nouvelle orthodoxie économique néolibérale a réduit les prestations sociales et détruit les services publics (santé, éducation...) ainsi que toutes formes de solidarité. Une part considérable de la population est exclue et vit dans la misère. Les infrastructures tombent en ruine. Ce système provoque aussi des dégâts environnementaux. Ces économies sont également fragilisées par les crises systémiques qui affectent les puissances capitalistes. Même les pays du Golfe ont subi la crise de 2008 avec les fluctuations des prix du pétrole.

L'islamisme est un phénomène ancien qui émerge au début du XXe siècle notamment avec les Frères Musulmans. Longtemps réprimé par ces régimes autoritaires en dépit d'une collusion croissante, il bénéficie du soutien des États-Unis et des théocraties du Golfe dans la lutte antisoviétique notamment en Afghanistan leur permettant de remporter une première victoire et de voir émerger des générations toujours plus radicales.
L’islamisme est une syntaxe politique dominante (cela ne veut pas dire majoritaire) qui divise profondément ces sociétés. Il diffuse un modèle marqué par la obscurantisme totalitaire et un nihilisme eschatologique. Sur les bases du chaos, il a gagné une large adhésion et a suscité des formes d’engagement.

1.4 Le conflit israélo-palestinien : centre de gravité de la conflictualité

Le conflit israélo-arabe a été structurant pour le Moyen-Orient des années 1950 à la fin de 1970 mobilisant les États et les opinions publiques arabes. Ils se sont indignés des nettoyages ethniques, des exodes, des destructions de villages, des massacres, des confiscations de terres et de la colonisation ininterrompue. Ces mouvements n'ont pas empêché Israël de briser le processus de paix, de poursuivre son expansionnisme colonial et de devenir une puissance d'occupation au diapason d'une opinion publique radicalisée.

Avec le soutien des États-Unis et des puissances occidentales européennes, cet État s'est consolidé culturellement, est devenu une puissance économique globale, s'est doté d'une bureaucratie, d'une armée redoutable et s'est renforcé diplomatiquement à l'exception de son environnement régional.

Avec le retour de la droite et de l'extrême droite au pouvoir une radicalisation brutale a amplifié le caractère religieux et identitaire du projet sioniste. Les lois discriminatoires à l'égard des non-juifs se sont multipliées. Elles aboutissent au texte raciste et ultranationaliste de 2017 qui proclame qu'Israël est l'État nation du peuple juif.

Sur le court terme, la situation géopolitique est favorable à Israël. L'épicentre de la conflictualité s'est déplacé dans le Golfe opposant l'Iran à l'Arabie Saoudite marginalisant de fait la question palestinienne. Cela favorise la colonisation d'autant que l'Autorité Palestinienne soumise à la domination de la puissance occupante est durablement affaiblie.

Pour autant, Israël est confronté à une crise profonde. L'annexion progressive de la Cisjordanie et l'abandon du projet de deux États au profit d'un seul selon un système d'apartheid suscitent des divisions et des réticences dans toutes les communautés juives. L'impossibilité de bâtir une paix durable, l'isolement international et l'extrême hétérogénéité sociale ne trouveront pas de résolution sans règlement de la question palestinienne.

La conjonction de ces différents éléments a provoqué une véritable implosion du Moyen-Orient.

2. Mouvements populaires et engrenage de violences

Les printemps arabes de 2011 font apparemment figure de parenthèse dans un mouvement de retour de l'autoritarisme et de généralisation de guerres tragiques. Ces mouvements dessinent progressivement un nouvel ordre arabe dans le bruit et la fureur.

2.1 Les printemps arabes et le retour de l'autoritarisme

L'espoir a eu son heure, loin des fractures entre chiites/sunnites, entre l'Iran/Arabie Saoudite. Les mouvements révolutionnaires de 2011 ont révélé la vitalité et les attentes des sociétés arabes. Cette gestation d'en bas était celle des ouvriers et des étudiants. Les contestations ont éclaté partout en Iran, Tunisie, Égypte, Syrie, Bahreïn, Yémen, Libye... et les nouveaux médias ont permis à la contestion de se répandre rapidement.

Ces soulèvements ne sont pas venus de nulle part. Ils sont l'aboutissement des changements structurels, de la stagnation économique et du manque de liberté. Les sociétés ne tolèrent plus l'impéritie de ces États incapables de fournir le minimum de services publics. Ces sociétés n'acceptent plus l'autoritarisme avec la corruption, la torture, les tensions interconfessionnelles, la collusion entre le pouvoir et les islamistes, l'arbitraire policier... Partout on réclame des réformes démocratiques.

Ces révoltes ont aussi été révélatrices de la force des États. Certains se sont adaptés, d'autres ont échappé de justesse à la tourmente alors que d'autres se sont effondrés comme les dictatures de Moubarak et de Ben Ali.

La Tunisie fait aujourd'hui exception dans le sombre tableau du Moyen-Orient. En dépit de la désaffection de l'électorat aux derniers scrutins, le pays continue à poursuivre une trajectoire dans un espace politique pluriel, connaît des mouvements sociaux dynamiques et une réelle activité intellectuelle créative. Certes tout n'est pas au beau fixe. Les anciens partisans de Ben Ali ou les islamistes d'En Nahdha font craindre le retour d'un ordre autoritaire et ultraconservateur. La question sociale que la crise économique ne permet pas d'endiguer nourrit un climat de violence que les élections présidentielles et législatives de 2019 risquent d'attiser. À la différence de ses voisins, la Tunisie n'est pas entrée dans un cycle de fragmentation, de violence et de répression que l'on observe ailleurs.

Ces mouvements ont suscité aussi de nouvelles peurs chez les dirigeants arabes marquants un brusque retour de l'autoritarisme.

Cinq ans après le coup d’État d'Al-Sissi, l'Égypte fait l'objet d'une violence chronique des djihadistes qui ne sont plus contenus dans le Sinaï. La violence de la répression des opposants, la remise en cause des libertés ont suspendu le temps politique. Pourtant le pays gronde mais a peur comme le pouvoir qui se défie de plus en plus de sa société.

En Turquie, le pouvoir islamo-conservateur de R.T. Erdogan s'inscrit dans cette matrice des régimes autoritaires. Ce phénomène s'est accentué depuis 2012 avec la guerre en Syrie et le mouvement de Gezi. Depuis, les purges succèdent aux purges qui s'accélèrent depuis la tentative avortée du coup d’État de 2016. Journalistes, intellectuels, démocrates turcs et kurdes, élus, hantent désormais les prisons dans des conditions particulièrement abominables. Les modifications constitutionnelles acquises il y a un an établissant un régime hyperprésidentiel accentuent la dictature. À l’intérieur, on assiste à une paramilitarisation croissante de l'appareil d'État tandis qu'à l'extérieur il apporte son soutien aux djihadistes syriens qui ont entrepris le nettoyage ethnique des zones kurdes. Ce régime va continuer à distiller sa haine et durcir sa politique de répression contre les Kurdes.

Mais ne nous y trompons pas, ce régime de guerre et de terreur plonge la Turquie au bord du gouffre économique et n'est soutenu que par la moitié de la population. Les démocrates turcs et les Kurdes n'ont pas dit leur dernier mot. Le dernier scrutin, même s'il a permis l'élection de R.T. Erdogan, a marqué un net recul de l'AKP qui ne dispose d'une majorité qu'avec l'extrême droite. R.T. Erdogan a échoué dans sa tentative d'éliminer le HDP, seule force progressiste et pacifiste, qui dépasse à nouveau les 10% et peut compter sur un groupe parlementaire qui constituera un point d'appui dans les luttes courageuses qui se développent. Comme le souligne H. Bozarslan, "l'erdoganisme est un des exemples les plus radicaux des anti-démocraties du XXIe siècle".

2.2 Guerres tragiques et nouvel ordre arabe

Après les printemps arabes, la situation dégénère. L'accablement prévaut devant des guerres qui délitent l'Irak, la Syrie et menacent toute la région.

On ne dira jamais assez combien l'intervention américaine en Irak a eu des effets profondément déstabilisateurs sur l'ensemble de la région. La relégation et l’absence d’intégration des sunnites sous le gouvernement d'Al-Maliki ont contribué à l'émergence de milices, d'inspiration salafiste, dont l'EI. En 2014, Daesh contrôle 1/3 de l'Irak, menace le Gouvernement Régional du Kurdistan tandis qu'Al-Baghdâdi proclame le califat. La prise de Mossoul dote l'EI de moyens considérables lui permettant de devenir, après l'invasion de la Syrie, une véritable puissance. Cette offensive accroît les violences communautaires, généralise la confessionnalisation des oppositions, fragmente les territoires et nourrit la théorie du choc des civilisations. En août 2014, une coalition internationale se forme conduite par les États-Unis à laquelle se greffent sur le terrain des milices pro iraniennes ainsi que des peshmergas kurdes. Cette guerre provoque la ruine du pays, l'effondrement de l'État et le délitement de la société.

En dépit de la victoire de la coalition et l'esquisse de reconstruction de l'État irakien, la violence demeure alors que le terreau sur lequel a émergé Daesh est toujours présent. La situation économique est catastrophique en dépit des ressources pétrolières considérables. Chômage, corruption, impossibilité d'accueillir les réfugiés, bradage des services publics, ont suscité depuis trois ans des mouvements populaires qui se poursuivent notamment dans le Sud chiite. Ils témoignent du rejet de la classe politique mais aussi des ingérences étrangères qu'elles soient iranienne ou saoudienne. Cette contestation a permis à la coalition conduite par Moqtada al-Sadr et les communistes d'arriver en tête du scrutin législatif. Les difficultés pour constituer un gouvernement tendent à nouveau la situation.

Le soulèvement populaire syrien de 2011 visait à renverser le régime sanguinaire de Bachar al-Assad. Les États-Unis, les pays du Golfe et la Turquie ont vu dans l'insurrection qui se confessionnalisait rapidement l'opportunité d'arracher la Syrie à l'influence iranienne et à réajuster l'équilibre régional. Pour ces raisons, ils ont organisé, financé et armé une myriade de milices djihadistes. L'afflux d'armes et d'argent destiné aux insurgés a fait glisser le centre de gravité de l'insurrection vers le djihadisme. En difficulté, le régime syrien a évacué le Kurdistan permettant au PYD de prendre le contrôle du Rojava et d'en proclamer l'autonomie démocratique expérimentant un programme progressiste, ouvert à toutes les communautés. En 2015, à la demande du régime aux abois, les Russes et les Iraniens intervenaient faisant reculer dans un fracas de violence contre les populations (bombardements, usage d'armes chimiques) les formations djihadistes notamment dans la Syrie utile. Aujourd'hui le régime est en passe de remporter le conflit ouvrant une nouvelle phase diplomatique et politique. Mais s'il est une chose de remporter une victoire militaire, il en est une autre de bâtir une paix durable. D'autant qu'il existe des tensions entre Damas, la Russie, l'Iran et la Turquie. Damas entend par exemple reconquérir l'intégralité de son territoire heurtant la politique d'annexion turque qui établit de véritables "djihadistans" dans les territoires qu’elle occupe. La situation de Chypre montre tous les dangers de l'expansionnisme turc.

La marginalisation des puissances occidentales, leur absence de relais régionaux ne leur permettent plus de peser. Elles sont réduites à miser sur la faillite diplomatique russe ou conduisent des expéditions punitives illégales et sans lendemain.

La Syrie est désormais divisée en trois zones d'influence : Damas épaulé par les Russes et les Iraniens dans la Syrie utile, les Turcs au nord-est et les États-Unis au nord-ouest protégeant de fait ce qu’il reste de l’espace kurde. À l’exception d'Idlib, les grandes opérations militaires sont terminées car on imagine mal ces puissances entrer en conflit direct. Pour ces raisons le conflit semble gelé.

Mais la Syrie de l'après Daesh devient le terrain d'affrontement des rivalités régionales comme en témoignent les bombardements israéliens qui font craindre un embrasement.

L'après Daesh place aussi la question kurde dans une position périphérique hypothéquant en partie les acquis de ces dernières années.

Ces guerres refaçonnent les relations régionales. Les grandes puissances traditionnelles : Égypte, Irak et Syrie sont aujourd'hui hors-jeu. La prolifération des États affaiblis, en déshérence, crée un environnement propice à la compétition, à l'intervention favorable à de nouveaux acteurs. Les pays du Golfe, riches et répressifs, prospèrent et tentent de tirer parti des États fragilisés et du désarroi de la communauté internationale.

L'Arabie Saoudite occupe une position dominante dans ces configurations aux côtés des Émirats Arabes Unis mais en rivalité avec le Qatar qui joue sa partition. L'Arabie Saoudite poursuit une double politique confessionnelle et hégémonique sans succès apparent pour le moment. Depuis l'accession au pouvoir de Mohammed ben Salman, le pays vit à l'heure du changement. Des réformes préparent l'après-pétrole et vont de pair avec un autoritarisme brutal qui vaut au prince héritier un prestige international. Parallèlement il conduit une politique étrangère aventureuse et agressive conduisant les pays du Golfe à conduire une opération militaire contre le Yémen et les houthis en particulier censés bénéficier de l'appui iranien. Si les lignes de force ne bougent pas montrant les limites de l'intervention saoudienne, la catastrophe humanitaire est d’une ampleur inégalée.

2.3 Le Moyen-Orient : une poudrière

Le Moyen-Orient est devenu une poudrière. Le volume des armes exportées n'a jamais été aussi important nourrissant les conflits. Tous les budgets militaires sont en constante augmentation depuis 20 ans. 40% des armes vendues dans le monde le sont au Moyen-Orient en provenance des États-Unis, de la France, de la Grande Bretagne et de l'Allemagne pour l'essentiel. Ces armes favorisent l'internationalisation des conflits et se retrouvent souvent entre les mains de groupes non-étatiques.

La régionalisation des conflits est un autre facteur de dangers supplémentaires qui aggravent l'armement des groupes affiliés et la fragmentation territoriale mais surtout la souffrance humaine.

Désormais l'Arabie Saoudite et Israël affirment que l'Iran est pour eux une menace existentielle se traduisant par un rapprochement de ces deux États. Ce rapprochement ne peut s'expliquer sans la nouvelle orientation stratégique de Trump. : installation de l'ambassade américaine à Jérusalem, rupture de l'accord de Vienne sur le nucléaire iranien qui avait contribué à stabiliser la région. Tous entendent déplacer le centre de gravité des conflits régionaux vers l'Iran.

Cette politique peut conduire à une déflagration. Trump fait le pari que les difficultés de Téhéran à maintenir l'ordre islamique permettront un changement de régime. Les sanctions visent à accroître la pression. La politique de ce trio ambitionne aussi de contrer la politique milicienne de l'Iran dans des pays confessionnellement mixtes qui aggravent aussi la fragmentation des sociétés.

Dans cette perspective, les États-Unis travaillent à la mise en place d'une alliance de type "OTAN Arabe" qui comprendrait actuellement l'Égypte, la Jordanie et cinq pays du Conseil de Coopération du Golfe.

En dépit de ses difficultés, le régime iranien dispose encore d'une base sociale solide et la politique de sanction aura pour conséquences d’accroître les souffrances des populations mais aussi de raidir le régime, de mobiliser autour de lui l'opinion nationaliste et accentuera la répression contre les démocrates. Les risques d'engrenage sont donc réels. Des conflits par procuration se déroulent déjà au Liban, en Syrie et au Yémen et Israël intensifie ses interventions directes.

Depuis 2011, des voix se sont levées pour critiquer la politique américaine au MO, aux conséquences désastreuses. Aujourd'hui, il faut faire face à l'arrogance de Trump et au poids de l'armée américaine dans la détermination des politiques étrangères. Cela ne doit pas nous aveugler aussi sur la brutalité et le cynisme des pouvoirs russe, iranien et turc.

Au MO la lecture schmittienne qui considère que les ennemis de nos ennemis sont nos amis est une illusion. Elle témoigne d'une incompréhension des évolutions et d'une lecture campiste désastreuses.

Les systèmes démocratiques ne leur opposent pas de résistance et ne sont pas pressés de faire face aux tragédies du MO. Leur politique erronée et leur aveuglement aggravent la situation. Certes, la résolution pacifique des conflits est déterminante mais cela passe aussi par la résistance à ces régimes.

QUELQUES PROPOSITIONS

- Revenir sur notre proposition de grande conférence internationale pour le MO sous l’égide de l’ONU pour la résolution globale des conflits.

- Campagne sur la dictature d'Erdogan et renforcement du soutien au peuple kurde.

- Dénoncer la loi d'apartheid qui est entrée en vigueur en Israël en mobilisant diverses forces israéliennes et palestiniennes.

- Combattre la politique américaine de remise en cause de l’accord nucléaire, l’agressivité et la politique de sanction à l’égard de l’Iran.

- Dénoncer à l'image des opinions publiques canadiennes et espagnoles les ventes d'armes aux pays du Golfe.