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Espagne : Après la chute de Rajoy, le défi d’une alternative de changement démocratique

Le 1er juin, Marino Rajoy était renversé par le vote d’une motion de censure déposée par le PSOE, bénéficiant du soutien circonstanciel d’une majorité de députés issus à la fois de Unidos Podemos et de ses alliés, jusqu’aux nationalistes basques et indépendantistes catalans. Cette défiance légitime était devenue indispensable dans un contexte politique d’une exceptionnelle gravité, après le verdict de la justice espagnole qualifiant de « système de corruption généralisée », le vaste réseau de financement illégal, connu comme « trame Gürtel », impliquant le Parti populaire. Ce vote et l’investiture de Pedro Sanchez comme Président du conseil qui s’en est suivi pourraient – si le nouveau pouvoir s’attelait à répondre aux principales aspirations immédiates des peuples d’Espagne - ouvrir la voie à un processus de régénération démocratique conduisant à l’indispensable changement progressiste dont le pays a besoin.

Il faudrait d’abord que le nouveau gouvernement socialiste prenne les premières décisions aptes à inverser les politiques d’austérité et de régression sociale menées par la droite au pouvoir depuis 2011 et qui se sont traduites, notamment, par un chômage et une précarisation du travail accrus et des coupes massives dans les dépenses publiques et sociales. Les syndicats qui avaient prévu de manifester le 16 mars contre la politique salariale, la réforme du travail et des retraites du gouvernement précédent, veulent peser en ce sens. Tout comme sont significatives, à l’instar de l’extraordinaire mobilisation féministe du 8 mars, les dynamiques citoyennes et d’alternative sociale en cours, qui peuvent contribuer, elles aussi, à impulser un changement politico-institutionnel progressiste face à la consolidation réactionnaire des droites.

En ce qui concerne le conflit territorial dû en particulier à la situation politique en Catalogne, toujours très tendue, l’exigence de l’ouverture d’un dialogue constructif doit s’imposer. Il est nécessaire et urgent d’aboutir à des accords politiques qui reconstruisent une coexistence entre les peuples d’Espagne et qui définissent un État que, pour leur part, les communistes, avec d’autres, souhaitent républicain et fédéral.

L’actuelle législature sera forcément transitoire étant donné le rapport des forces au Parlement où le Parti socialiste est très minoritaire et n’a pas souhaité s’appuyer sur un accord avec les forces de progrès telles que celles réunies autour de Unidos Podemos. Les enjeux sont donc importants. Les élections régionales (communautés autonomes), municipales, européennes de 2019, tout comme les législatives de 2020, probablement anticipées, seront décisives pour consolider les espoirs de changement progressiste ou a contrario, la continuité voire l’aggravation des politiques libérales et conservatrices. Les mesures de régénération démocratiques, tout comme les mesures sociales à court terme que le gouvernement de Pedro Sanchez pourrait annoncer risquent d’être bloquées par une droite, sonnée certes, mais d’autant plus radicalisée. D’où l’impératif de l’intervention populaire et citoyenne pour battre en brèche les mesures répressives de la droite et desserrer l’étau des contraintes financières imposées par la gouvernance actuelle de l’UE.

Les obstacles sont nombreux sur le chemin de « l’Unité populaire », mais tel est le défi d’une alternative pour un véritable changement démocratique que doivent se donner les forces progressistes espagnoles.

José Cordon
Relations internationales-Europe
article paru dans Communistes du 13 juin 2018