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Plus que jamais : Stopper Erdogan

Le régime islamo-fasciste du président R.T. Erdoğan est désormais engagé dans une fuite en avant que rien, pour l’instant, ne semble endiguer. Un nationalisme exacerbé, au fondement de la Turquie contemporaine, nourrit un état de guerre permanent pour devenir la forme exclusive de gouvernance.

 

Le règne du chaos

Chaque jour, la fragmentation, la polarisation, la radicalisation et la désinstitutionnalisation du pays s’accentuent. La loi n’existe plus, alors que l’arbitraire est devenu la règle. Les institutions ont été vidées de leur sens et tous les mécanismes de contrôle supprimés. R.T. Erdoğan s’appuie sur un bloc hégémonique pour assommer la société et se maintenir au pouvoir. L’alliance entre l’AKP (Parti de la justice et du développement) et le MHP (Parti d'action nationaliste) a permis de modifier la Constitution donnant l’opportunité au régime de demeurer aux affaires jusqu’en 2029. Quelque temps avant la tentative de putsch de 2016, R.T. Erdoğan faisait de cette antienne le cœur de sa politique : « La terre ne peut devenir patrie et le tissu ne peut devenir drapeau qu’à condition d’être arrosé par le sang. »

L’offensive idéologique de l’AKP n’est pas sans rapports avec la montée des populismes et des régimes autoritaires de par le monde. Inexorablement, elle transforme le pays pour détacher les liens que sa population entretient avec l’Europe. Le pouvoir s’emploie à islamiser la société, notamment par le vecteur de l’éducation, afin de former une « jeunesse pieuse », sous l’autorité du Diyanet (organisme des Affaires religieuses) totalement dévoué aux objectifs de l’AKP… sans toutefois être en capacité d’entraver le profond mouvement de sécularisation. L’état d’urgence en vigueur a permis l’émergence, dans l’appareil d’Etat, de groupes paramilitaires fascistes comme Sadat, Foyers ottomans ou Soyons frères qui constituent le pilier sécuritaire du régime aux côtés de l’armée et des forces de sécurité. Désormais, les civils qui agissent au nom de l’antiterrorisme bénéficient de l’immunité donnant ainsi le droit de tuer ou de lyncher les opposants.
En Turquie, la politique est devenue un champ de vengeance généralisée dans lequel les démocrates sont qualifiés de « traîtres » ou de « terroristes ». Les purges et les arrestations de journalistes, d’universitaires, de syndicalistes… n’ont pas attendu la tentative de coup d’Etat de juillet 2016 mais ont connu depuis une accélération gigantesque afin de museler toutes formes de critique. De sources gouvernementales, 160 000 personnes ont été arrêtées et 60 000 embastillées. A cela s’ajoute le limogeage de 150 000 fonctionnaires dans l’éducation, la justice, la police ou l’armée. La Turquie est la pire geôle du monde pour les journalistes. Cent soixante-quinze d’entre eux sont incarcérés alors que 112 médias ont été fermés. Un millier d’entreprises appartenant de près ou de loin à la confrérie de Fethullah Gülen ont été mises sous tutelle représentant un chiffre d’affaires de quelque 10 milliards de dollars. Le mémorandum sur la liberté d’expression en Turquie de Nils Muiznieks, commissaire aux Droits de l’homme au Conseil de l’Europe, est accablant. Si bien que trente-cinq prix Nobel demandent à R.T. Erdoğan « un retour rapide de l’Etat de droit et une totale liberté de parole et d’expression ». Le cas du journaliste et écrivain Ahmed Altan est édifiant car il vient d’être condamné à la perpétuité au motif d’avoir adressé des messages « subliminaux » aux putschistes. L’ONU par l’intermédiaire du HCDH (Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme) parle de « graves violations des droits de centaines de milliers de personnes » et d’une pratique de la torture à grande échelle.

L’opposition de gauche est marginalisée et déclarée illégitime par le pouvoir. Elle résiste, comme la société civile, mais elle est terriblement réprimée. L’intervention de l’armée en Syrie la fragilise davantage car elle exacerbe le nationalisme. En dépit de ce contexte, les démocrates ne se terrent pas, comme en témoigne le récent référendum qui accentue la présidentialisation du régime et que R.T. Erdoğan a remporté de justesse avec une fraude considérable. De plus, le HDP, cet empêcheur de tourner en rond pour l’AKP, vient de tenir son congrès, réunissant 32 000 personnes, ce qui constitue une victoire à l’heure de la répression. R.T. Erdoğan mesure l’ampleur de cette contestation et vient de modifier les règles électorales permettant de falsifier les résultats des futurs scrutins.

La situation économique est un autre facteur d’instabilité, même si le taux de croissance du PIB (+7 %) masque des évolutions en profondeur. L’inflation, qui rogne le pouvoir d’achat, s’emballe (+12 %), tandis que la livre turque poursuit sa descente aux enfers renchérissant les importations. Un resserrement de la politique monétaire dans une économie dépendante des emprunts ne peut que déclencher une catastrophe. La dette est passée de 39 % du PIB en 2012 à 58 %, alors que l’Etat turc devra cette année rembourser 170 milliards de dollars. Les entreprises qui ont souscrit des emprunts en dollar et encaissent leurs recettes en livres ont du mal à faire face fragilisant le système bancaire. Pour lui, le risque ne finit pas de croître car il finance également la bulle immobilière. En dépit des projets pharaoniques, les faillites dans le BTP explosent alors que les prix de l’immobilier ont commencé à baisser. L’atmosphère cauchemardesque et la dégradation des relations avec l’UE accélèrent la fuite des plus qualifiés, découragent les investisseurs étrangers, tandis que les touristes boudent les stations balnéaires. L’arrogant R.T. Erdoğan plastronne aujourd’hui sur une poudrière.

La guerre à outrance contre les Kurdes

Le mouvement kurde a connu une transformation en profondeur dans les années 2000. Le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) a pris la décision historique de cesser la lutte armée, de retirer ses forces en dehors des frontières de la Turquie et de rebâtir un espace politique autour des idées d’autonomie et d’intégration à une Turquie démocratisée. Avec le HDP, qui souhaite incarner tous les opprimés et toutes les minorités, les Kurdes sont parvenus à construire un espace hégémonique dans le sud-est du pays par la conquête des municipalités.

Pour R.T. Erdoğan, qui n’a jamais voulu régler la question kurde, le HDP est devenu un défi de taille puisque, en 2015, il a fait une entrée fracassante au parlement en entravant la politique de présidentialisation. Erdoğan déclenche alors la terreur contre ce peuple par la destruction de leur tissu urbain, l’exode de 500 000 personnes et le lynchage politique de leurs dirigeants. Il procède à l’arrestation de 6 000 militants kurdes et lève l’immunité parlementaire des députés HDP, dont les coprésidents S. Demirtas et F. Yüksekdag. Dix-huit ont été emprisonnés et risquent de lourdes peines. Tous les maires kurdes ont été révoqués et leur municipalité placée sous tutelle. Si le despotisme écrase aujourd’hui toute la Turquie, le Kurdistan est sous la chape de plomb de la loi martiale. En 1915, la cible était les Arméniens ; en 2018, les Kurdes ont tout lieu de craindre l’attitude génocidaire de R.T. Erdoğan.

La Turquie et l'après-Daesh

R.T. Erdoğan nourrit pour la Turquie des nostalgies impériales dans lesquelles Ankara redeviendrait le bras armé de l’islam sunnite et dominerait le monde arabo-musulman. Cependant, il accumule les rebuffades avec un isolement diplomatique croissant vis-à-vis de ses alliés traditionnels de l’OTAN, des Etats-Unis et de l’Union européenne. L’échec de ses politiques arabes, de sa tentative de substituer à Bachar al-Assad un pouvoir de Frères musulmans, son repli face à l’Iran et à la Russie l’ont conduit à se concentrer sur un seul objectif qui est de détruire l’entité kurde syrienne avec, comme à Kobanê, ses supplétifs djihadistes.
Déjà en 2016, l’opération « Bouclier de l’Euphrate » avait empêché l’unification des trois cantons du Rojava. En lançant en janvier 2018 l’agression contre la paisible enclave d’Afrin, R.T. Erdoğan veut briser cette expérience démocratique et progressiste, procéder à un nettoyage ethnique pour installer à la place des Kurdes des islamistes et des réfugiés arabes, conforter sa position intérieure et arriver en position de force dans les négociations à venir. Ce tyran entretient l’illusion d’une victoire militaire contre les Kurdes et ouvre pour cela un nouveau chapitre de la guerre dans une Syrie déjà meurtrie, avec l’accord de Moscou, Damas et Téhéran.

Après soixante jours de résistance héroïque des combattants kurdes, sous un déluge de feu, la Turquie et la soldatesque de Daesh se sont emparées d’Afrin. Seuls, abandonnés et trahis par ceux-là même qui voici quelques semaines les encensaient, ils fuient maintenant par milliers pour échapper aux pillages, aux massacres, aux viols et aux égorgements des troupes d’Ankara. Le bilan humain provisoire est terrible avec en quelques jours près de 300 victimes, un millier de blessés dont de nombreux enfants. Après les Arméniens il y a un siècle, les Kurdes ont tout lieu de craindre l’attitude génocidaire de R.T. Erdoğan.
Les masques sont tombés devant ceux qui feignaient de croire que la Turquie, sans jamais avoir été menacée, entendait protéger sa frontière. Sans ambages, R.T. Erdoğan vient de déclarer : « Maintenant, le drapeau turc flotte là-bas ». Dans sa politique de conquête de territoires d’un Etat souverain, il entend désormais poursuivre l’offensive dans tout l’espace kurde jusqu’à la frontière irakienne.

Le silence médiatique qui a entouré cette agression et qui contraste avec le traitement légitime des massacres dans la Ghouta orientale, a constitué un encouragement pour les exactions sanguinaires de R.T. Erdoğan. Cette attitude incompréhensible atteint l’odieux lorsque certains médias endossent la rhétorique vengeresse d’Ankara qui consiste à qualifier de terroristes le PYD, le PKK et tous les opposants à cette dictature fasciste. Cette couardise a constamment occulté le terrorisme de l’Etat turc.

Le gouvernement français a commis une grave faute en considérant que l’on pouvait comprendre R.T. Erdoğan et en faisant preuve à son égard d’une tolérance complice. Nul ne peut croire qu’Emmanuel Macron, qui a reçu début janvier le président turc, ignorait ses intentions. Certes, à une question orale de Pierre Laurent, unanimement saluée au Sénat, le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a concédé que « la situation était grave » après avoir légitimé, lors d’une interpellation de Jean-Paul Lecoq à l’Assemblée nationale, la propagande d’Ankara. Les crimes de guerre exigent plus que des paroles. Ce lâche silence va-t-il se poursuivre à Paris et à Bruxelles alors que R.T. Erdoğan incendie à nouveau la Syrie et multiplie les provocations à l’égard de Chypre et de la Grèce ? La France et l’Union européenne doivent parler plus fermement, condamner la politique d’Ankara, exiger l’interdiction du survol de l’aviation turque et son retrait du territoire syrien. Dans ce contexte, le transfert de trois milliards d’euros par l’UE à la Turquie, pour gérer la crise migratoire, est indigne et illustre le manque de courage politique face à cette tyrannie d’autant que des procédures judiciaires s’engagent en France, en Belgique et en Allemagne afin de mettre un terme aux opérations des services secrets turcs (MIT) visant à éliminer, sur le continent, des dirigeants kurdes.

L’heure est donc à la mobilisation générale pour Afrin et pour sauver l’expérience démocratique et pacifiste du Rojava. Pierre Laurent et Jean-Paul Lecoq ont interpellé le président de la République et sollicité une audience, qu’ils souhaitent transpartisane, car l’urgence est absolue. Cet appel à l’opinion publique a trouvé un large écho à l’occasion de la conférence de presse organisée par les parlementaires communistes et qui a réuni de très nombreux élus de tous les groupes. Aux côtés d’Hubert Wulfranc et d’Alain Bruneel, on notait la présence de Clémentine Autain et de François Pupponi. Les voix des responsables kurdes Agit Polat et Nursel Kilic ont résonné et se sont amplifiées avec la tenue à Paris du Tribunal permanent des peuples pour juger des crimes de la Turquie.

Les manifestations qui se sont déroulées en Europe et dans en France le 24 mars ont été d’une ampleur considérable. Les communistes entendent amplifier leur solidarité avec les Kurdes qui incarnent le combat pour la liberté, la paix et la démocratie.

Pascal Torre
membre de la commission des relations internationales du PCF

 

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le 03 April 2018

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