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Italie : La dérive populiste et la menace de la droite extrême doivent être conjurées

Les élections parlementaires du 4 mars ont été marquées par la percée historique des forces populistes de la droite extrême (Ligue 17 % et Mouvement 5 étoiles 32 %), au détriment de la droite de Berlusconi, héritière de la démocratie chrétienne (14 %) et du Parti démocrate à son plus bas niveau (19 %). Dans le même temps, une partie de la gauche de transformation sociale et écologique (Libres et Égaux 3,3 %) atteint de justesse le seuil pour entrer au Parlement (19 élus), alors que les communistes (PRC et PCI) associés dans Pouvoir au peuple à une partie de l’extrême gauche et aux centres sociaux n’obtiennent que 1,1 % et sont, une nouvelle fois, exclus du Parlement.

Dans une Italie, coupée en deux, profondément touchée par la crise économique et les fractures territoriale, sociale et générationnelle que celle-ci a engendré, le PD de Matteo Renzi et de l’actuel Premier ministre Paulo Gentiloni a été une nouvelle fois lourdement sanctionné. Il l’avait déjà été, en décembre 2016, sur la modification antidémocratique de la Constitution qui traduisait également le rejet de ses mesures «austéritaires» et de réforme du marché du travail (Jobs Act). Ce recul – y compris dans les anciennes «zones rouges» du centre du pays – profite avant tout au Mouvement populiste 5 étoiles qui, tout en ayant un profil ambigu sur les réponses à apporter à la crise économique et sur les migrants, a su récupérer dans un vote de rejet des partis de «l’establishment» la frustration sociale mais aussi les espoirs des exclus, alors que parallèlement dans le nord du pays, la Ligue, coalisée avec l’ensemble de la droite, poussait les vents nauséabonds de la xénophobie et des peurs identitaires et sécuritaires contre les migrants.

Ces fractures traversent aujourd’hui toute l’Europe, alors que les gouvernants actuels de l’UE entendent garder le cap des politiques d’ajustement néolibéral, autoritaires et militaristes imposées à leurs peuples. Leurs politiques et leur bilan sur la question migratoire, attisant les tensions identitaires, ultranationalistes voire fascisantes au sein même des États, sont un des aspects les plus lourds de dangers pour l’Europe.

Au vu des résultats, aucune majorité claire ne pourra être constituée facilement ; ni par la droite coalisée, ni par le Mouvement 5 étoiles de Luigi Di Maio dont une possible alliance avec le Parti démocrate semble plus que problématique. Le PD affaibli a décidé dans un premier temps d’être dans l’opposition, puisque la voie d’une «large entente» avec une partie de la droite est pour le moment exclue. Une période d’instabilité politique s’annonce donc qui peut amener dans les prochains mois à la convocation de nouvelles élections. Pour le moment, l’UE et les milieux patronaux qui voudraient que soient créées les conditions d’un «gouvernement stable» au service de leurs intérêts font savoir qu’en tout état de cause les réformes structurelles engagées par la droite et aggravées par Renzi devront être «accélérées», comme l’affirme cyniquement le patron de la «Confindustria» (ndlr : Confédération générale de l’industrie italienne).

Pour les forces progressistes, en Italie comme dans toute l’Europe, l’enjeu est de taille. Affaiblies, souvent marginalisées, divisées, elles peuvent et doivent néanmoins trouver les ressources pour se remobiliser et contester les politiques de régression sociale et démocratique, au sein même de chaque pays et ensemble en Europe. Il leur faut trouver les convergences dans un projet alternatif – de coopérations sans domination et de paix – à celui d’une Union européenne qui a inscrit ses politiques de régression sociale et démocratique dans le marbre des traités, notamment par des politiques de voisinage aux normes d’une mondialisation de plus en plus néolibérale et d’une fuite en avant dans la militarisation et la guerre au risque de reculs de civilisation pour les peuples.

José Cordon
Relations internationales-Europe
article paru dans Communistes du 14 mars 2018