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Macron, l’illusionniste

Quelques jours avant sa visite officielle en Chine, Emmanuel Macron lançait le 4 janvier son leitmotiv du moment : «La France est de retour». À l’occasion de ses vœux au corps diplomatique, le chef de l’État s’est livré à l’un de ses exercices favoris, la mythification de son action politique internationale au service de «la défense de nos intérêts et de nos valeurs».

Dans le prolongement de ses interventions d’août et septembre derniers devant les diplomates français, puis à la tribune des Nations unies ou encore à la Sorbonne, le Président a présenté le détail de la «ligne française» qu’il continuera de développer avec pour priorités déjà énoncées l’été dernier : «la sécurité, l’indépendance, l’influence» – auxquelles il ajoute, fort opportunément, «la solidarité». Ces axes diplomatiques formeraient selon lui «un tout, un cap, une cohérence, une vision d’ensemble» assortis d’une méthode qui «passe par le dialogue et la fermeté de nos engagements». Fermeté dont il faudra nous dire l’exacte définition et faire la démonstration s’agissant, pour seul exemple, de la reconnaissance de l’État palestinien...

Si Emmanuel Macron a, pour l’heure, pris le contre-pied des discours de peur et de guerre de son prédécesseur direct, il ne s’inscrit pas moins dans une logique qui est celle du jeu des puissances internationales qui, fortes de leur poids économique et militaire, entendent administrer, ensemble à quelques-unes et tout en se concurrençant, le cours du monde. La «lutte contre le terrorisme islamiste» demeure donc le point d’entrée de son discours et de sa politique. E. Macron tente de convaincre, au-delà des diplomates étrangers auxquels il s’adresse, qu’au contraire des années que nous venons de vivre, le gouvernement français inscrit ses interventions militaires dans des cadres politiques en mettant en perspective les élections prévues au Mali ou en Irak, ou invoquant la nécessité de négociations pluripartites pour résoudre le conflit syrien, ou, encore, en prenant le leadership de la lutte contre le «financement du terrorisme»... Mais aussi qu’il chercherait à s’attaquer aux origines des situations de crise – et, plus précisément, de l’arrivée de migrants en Europe – avec une action de coopération ciblée sur le Sahel alors que l’aide publique au développement demeure durablement sous-dotée. Sur le plan européen, le chef de l’État affiche son ambition d’une «union de 28 pays singuliers» dotée d’une «avant-garde ouverte» formée à partir d’un solide noyau franco-allemand, les «premiers de cordée» d’une Union européenne à plusieurs vitesses.

Fustigeant ce «capitalisme (qui) dysfonctionne», le président français porte ainsi la promesse d’une renaissance. C’est ainsi qu’il faut entendre cette annonce de «retour». La France, pionnière d’une refondation libérale européenne, tête de pont du commerce des armes (sujet éludé par l’Élysée), actrice essentielle de l’OTAN, retrouverait ainsi une place majeure au plan international en faisant le pari, au contraire des États-Unis de Donald Trump, du «multilatéralisme».

À Davos, Emmanuel Macron chante l’espérance d’une telle renaissance libérale pour susciter l’adhésion des «classes moyennes» pourtant frappées de plein fouet par la casse des droits sociaux et les politiques d’austérité. Il y invoque la nécessité de «retrouver une grammaire des biens communs et une régulation mondiale en matière d’écologie, de santé, d’éducation et de formation», quelques heures après sa rencontre médiatique avec les principaux patrons de l’Internet (GAFA) où se discutait l’idée de la création, «au niveau européen, d’un vrai marché unique du numérique et de la culture».

Emmanuel Macron prétend vouloir conjurer la progression des forces nationalistes en agissant pour une «régulation» du système, alors que toute sa politique vise à libérer au maximum les forces du capital et gonfle les voiles des nationalismes.

Il y a chez le chef de l’État un savant talent à camoufler la réalité de son action et de ses intentions sous des formules rhétoriques, au diapason le plus souvent d’attentes populaires réelles. Confrontée aux faits, l’illusion ne durera guère.

Lydia Samarbakhsh
responsable des relations internationales
article paru dans Communistes du 31 janvier 2018