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Propos indignes de Trump sur l’Afrique : retour à l’envoyeur

Donald Trump, le président américain, est de nouveau depuis quelques semaines l’objet de fortes récriminations en Afrique, dans les Caraïbes et dans le monde. Fidèle à sa réputation d’homme de peu de nuances et d’outrages, il a qualifié les États africains, le Salvador et Haïti, de « pays de merde ». « Pourquoi est-ce que toutes ces personnes issues de pays de merde viennent ici ? », s’est-il exclamé alors qu’il recevait dans le Bureau ovale plusieurs sénateurs, pour évoquer un projet d’accord proposant de limiter le regroupement familial et de restreindre l’accès à la loterie pour la carte verte. Et d’ajouter que les États-Unis devraient plutôt accueillir des ressortissants de la Norvège.

La colère qu’il a suscitée s’illustre sur les réseaux sociaux, et par des gestes diplomatiques. Sans prétendre à être exhaustif, on peut citer la réaction du président sénégalais, Macky Sall, qui non satisfait de clamer son indignation a fait convoquer au ministère des Affaires étrangères l’ambassadeur américain à Dakar. Dans la même veine, 48 anciens ambassadeurs de pays africains aux États-Unis ont diffusé une pétition sous forme de lettre ouverte à Trump pour exprimer leur « profonde inquiétude ». En Afrique du Sud, l’ANC s’est prononcée en qualifiant les propos de Trump « d’offensants ». À l’ONU, les ambassadeurs du groupe africain ont exigé dans un communiqué  « rétractation » et « excuses ».

Dans ce concert de réprobation et d’indignation, nous pourrions, conformément à une certaine idée de l’éthique de la discussion, expliquer à Donald Trump que les situations socioéconomiques, environnementales et politiques que connaissent ces régions du monde découlent d’un ordre mondial inique qu’il serait avisé de changer. Prenons Haïti, 11 millions d’habitants, un revenu national brut (RNB) de 780 dollars par habitant et 58 % de la population qui vivent sous le seuil de pauvreté1. Le 12 janvier 2010, ce pays a connu un tremblement de terre qui a causé plus de 300 000 morts, autant de blessés et 1 million de sans-abri. À partir d’octobre 2010, ce même pays a connu une épidémie de choléra qui a fait des milliers de morts. Il a fallu six ans pour que l’ONU admette sa responsabilité dans la survenue de cette épidémie2. Le pays est en proie depuis son indépendance à une ingérence des grandes puissances, et notamment de celle des États-Unis qui ont occupé le pays de 1914 à 1935. Ils en sont repartis en emportant les réserves d’or de la banque centrale haïtienne.

Depuis le milieu des années 80, l’Afrique est sous la coupe réglée des institutions de Bretton Woods (Banque mondiale, Fonds monétaire international). Depuis plus d’une décennie, l’Afrique connaît une croissance économique soutenue mais qui est loin de bénéficier à tous ses habitants. Le modèle libéral de « développement » génère pauvreté, inégalités et chômage. Chaque année des millions de jeunes grossissent les rangs des demandeurs d’emploi. Des régions d’Afrique sont en crise à cause de déstabilisations et de guerres, déclenchées ou entretenues depuis l’extérieur (Somalie, Libye, Côte d’Ivoire, etc.), des conflits politiques, des attaques terroristes menées par des groupes obscurantistes tel que Boko Haram. L’héritage colonial et le système mondial injuste se complaisent de l’absence de démocratie, du non-respect des droits de l’homme, de la corruption et de la cupidité. Le pillage organisé par les multinationales, et particulièrement les transnationales américaines (d’Exxon Mobil à Coca-Cola) contribue à augmenter les prix des biens et des services et expose les populations à tous ces risques.

Les situations socio-économiques, environnementales et politiques que connaissent les pays caribéens et africains sont difficiles. Elles peuvent être invivables, jusqu’à pousser des milliers de réfugiés sur les routes de l’exil. Elles nécessitent la mise en place de relations et d’échanges internationaux plus solidaires et plus justes. Plutôt que ce concert d’indignation qui a accompagné les propos de Trump, nous attendons des leaders africains et mondiaux des actes concrets afin que nul ne soit obligé de fuir son pays.

Félix Atchadé
Collectif Afrique PCF
article paru dans Communistes du 24 janvier 2018