Accueil
 
 
 
 

Catalogne : Pour une rupture politique de progrès social et démocratique

Dans un contexte de très forte participation au vote (81,94 %), les résultats des élections du 21 décembre au Parlement catalan n’ont pas changé fondamentalement le rapport de forces établi lors des élections précédentes de septembre 2015. Les partis indépendantistes (Ensemble pour la Catalogne du président sortant de la Generalitat en exil Carles Puigdemont, Gauche républicaine de Catalogne d’Oriol Junqueras, en détention préventive, et Candidature d’unité populaire) obtiennent à nouveau une majorité absolue, certes réduite, en sièges (70 sur 135), mais pas en voix(47,49 %), en se présentant, cette fois-ci séparément. Au sein du bloc indépendantiste, la droite nationaliste catalane (21,65 % et 34 sièges), malgré les scandales de corruption et les coupes opérées dans la dépense publique et sociale, conserve une légère avance sur les républicains de l’ERC (21,39 % et 32 sièges ), alors que les anticapitalistes libertaires de la CUP (4,45 % et 4 sièges) s’effondrent en perdant la moitié de leurs électeurs.

Le bloc « unioniste » des partis soutenant l’application stricte de la Constitution de 1978 est en très grande difficulté. À droite, le Parti populaire (4,24 % et 4 sièges) subit une débâcle, les électeurs ayant massivement rejeté les mesures répressives du gouvernement de Mariano Rajoy et avec l’application de l’article 155 de la Constitution, la mise en tutelle autoritaire des institutions catalanes. Il est très largement supplanté par les néolibéraux anti-indépendantistes de Ciudadanos (25,37 % et 36 sièges) qui devient pour la première fois depuis 1978 le premier parti non catalaniste en nombre de voix. Ciudadanos a largement mobilisé les secteurs non indépendantistes, notamment  dans les quartiers populaires des grandes villes et en particulier de Barcelone. À gauche, le Parti socialiste catalan (13,88 % et 17 sièges) qui a lui aussi soutenu la mise en tutelle des institutions catalanes, tout en  progressant légèrement, est loin de pouvoir contribuer à une alternative catalaniste progressiste au projet indépendantiste, sécessionniste.

“Un contexte de très forte polarisation”

Catalogne en commun-Podem – qui regroupe Barcelone en commun de Xavier Domenech et Ada Colau, Initiative-les Verts et la Gauche unie et alternative où sont présents les « communistes de Catalogne » et du Psuc-Viu – régresse (7,45 % et 8 sièges dont un élu communiste contre 8,9 % et 11 sièges en 2015). Dans un contexte de très forte polarisation entre les pôles indépendantistes et « unionistes », et ayant mené campagne sur le thème « ni déclaration unilatérale d’indépendance, ni article 155 » ; Catalogne en commun a eu du mal à faire valoir une alternative de transformation sociale et écologique et à crédibiliser l’idée d’un développement plurinational de l’Etat espagnol, passant par une consultation « souveraine » du peuple catalan.

Les prochaines échéances, dans l’optique de l’investiture du futur Président du gouvernement catalan, ne sortiront pas, à court terme, la Catalogne de l’impasse actuelle. Aucun des deux blocs, indépendantistes ou « unioniste », n’est en capacité à lui seul d’imposer une majorité stable. D’autant plus que malgré les résultats du scrutin, la droite espagnole continue à vouloir poursuivre pénalement les responsables du processus indépendantiste, accusés de sédition, rébellion et malversation. Toutes les contradictions induites par la crise des institutions de 1978 risquent de s’aiguiser et en particulier la crise du système de financement des communautés autonomes, sous contrainte « austéritaire » drastique imposée par le gouvernement de droite de Rajoy et des engagements budgétaires pris envers l’UE et dont les effets mettent en difficulté la gestion des municipalités démocratiques. Le débat et le dialogue nécessaires ne pourront se cantonner à un « non à l’indépendance ». Ouvrir un autre chemin, avancer – comme le souhaitent notamment les communistes au sein de la Gauche unie – vers une République fédérale plurinationale solidaire, implique une véritable régénération démocratique et sociale passant par une rupture fondamentale avec les institutions de l’État espagnol issues de 1978.

José Cordon
Relations internationales-Europe
article publié dans Communistes du 10 janvier 2018