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Yonne : Le PRAHDA d’Appoigny, un centre d’expulsion qui ne dit pas son nom

Suite à un appel d’offres lancé en septembre 2016 par le ministère de l’Intérieur pour créer 5 351 places d’accueil, le programme d’accueil et d’hébergement des demandeurs d’asile (PRAHDA) a vu le jour. Un an après son lancement, le fonctionnement réel du PRAHDA inquiète.

En juillet 2017, le PRAHDA (programme d’accueil et d’hébergement des demandeurs d’asile) d’Appoigny ouvrait ses portes dans un ancien hôtel Formule 1. La société Adoma a remporté le marché et gère soixantedeux PRAHDA pour mettre en œuvre la politique gouvernementale. Environ quarante migrants sont actuellement hébergés à Appoigny dont trente relèvent des règlements de Dublin, selon lesquels les demandes d’asile devraient se faire dans le pays où les empreintes du demandeur ont été enregistrées pour la première fois (bien souvent sous la contrainte et la force). Dans l’Yonne, les migrants « dublinés », hébergés dans les centres d’accueil et d’orientation (CAO), sont peu à peu transférés au PRAHDA d’Appoigny, transformé en véritable antichambre d’expulsion.

Emmanuel Macron disait vouloir accueillir « rapidement et dans la dignité » les migrants. Il est vrai que la procédure est fulgurante : à ce jour, tous les « dublinés » du PRAHDA d’Appoigny se sont vu remettre leur avis d’expulsion et leur billet d’avion vers leur premier pays d’enregistrement. Mais la démarche et les pratiques n’ont rien à voir avec la dignité des personnes. Les conditions d’accueil sont honteuses : deux ou trois personnes par chambre de 7 m2, pas de cuisine, très peu d’équipement sanitaire et d’hygiène, problèmes de sécurité, éloignement des zones urbaines… Quelques jours à peine après leur arrivée au PRAHDA, un avis d’expulsion et une assignation à résidence sont remis aux migrants. La préfecture se déplace dans le PRAHDA pour remettre les notifications dans le but d’accélérer la procédure et de prendre de court les demandeurs d’asile. Le vice est poussé jusqu’à réaliser ces entretiens le vendredi après-midi afin de rendre plus difficile la possibilité de faire un recours dans les quarante-huit heures. L’ultimatum est clair : soit les migrants acceptent d’être expulsés vers un pays où ils ont bien souvent connu violences et humiliations, soit ils sont déclarés en fuite.

Chaque jour, de nombreux soutiens tentent de bloquer l’entrée du PRAHDA ; ils sont dégagés de plus en plus violemment par les gendarmes.

Les directeurs d’Adoma, en toute inhumanité, se font un plaisir cynique de contribuer à cette opération d’expulsion massive : provocations des militants, propos nauséabonds, pressions sur leurs salariés. Une assistante sociale a vu sa période d’essai prendre fin parce qu’elle « aidait trop les migrants » et était « trop proche des associations ». En postulant, elle s’attendait à accompagner des demandeurs d’asile, pas à être gardienne de prison.

Que penser du « pays des droits de l’Homme » quand on voit le traitement inhumain réservé aux personnes qui fuient la misère et la guerre, bien souvent à cause des politiques néocoloniales ? Que penser de la France quand un Soudanais nous dit : « Au Soudan, c’est l’enfer, en France, c’est l’enfer. Alors autant retourner au Soudan, au moins je serai en enfer avec ma famille » ?

Pourtant, la France peut accueillir la demande d’asile de tous les migrants. Comme l’a rappelé Jacques Toubon, défenseur des droits, l’application des règlements de Dublin n’est pas une obligation.

Les progressistes doivent agir pour l’abrogation de la directive Dublin et pour une nouvelle politique migratoire qui porte les principes de la liberté d’installation, du respect et de la dignité des personnes migrantes, et qui s’attaque aux causes des migrations forcées : les dérèglements du climat, la guerre, la misère, les inégalités, les oppressions.

Anna Meyroune,
secrétaire fédérale de l’Yonne et membre du conseil national du PCF

article paru dans la LRI - Spécial Migrants, octobre 2017

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Yonne : Le PRAHDA d’Appoigny, un centre d’expulsion qui ne dit pas son nom

le 18 octobre 2017

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